Le Devoir

Les leçons à tirer de la PCU et de la PCRE

- Patrick Mahony Consultant en entreprise

Les employeurs n’ont jamais eu autant de difficulté­s à trouver des employés. Plusieurs blâment la PCU et la PCRE, qui sont venues garantir un revenu de 2000 $ par mois à des gens qui ne gagnaient pas ce salaire même en travaillan­t à temps plein.

Un employé (célibatair­e sans enfants à charge) au salaire minimum de 13,50 $ l’heure qui travaille 40 heures par semaine gagnera net 476,11 $ par semaine. Pour franchir le cap des 500 $ nets par semaine, il faut gagner 14,30 $ l’heure et travailler 40 heures par semaine.

Ce que la PCU et la PCRE ont démontré aux employeurs et aux gouverneme­nts, qui fixent le salaire minimum, c’est la limite du salaire crève-la-faim que les employés sont prêts à accepter, que leurs salaires étaient insuffisan­ts et que le salaire minimum est indécent. J’entends déjà les employeurs hurler : « Mais on ne peut pas payer plus cher. Personne ne va venir acheter chez nous si on monte nos prix. » Je vous comprends, j’ai déjà été employeur. J’ai eu des employés à ma charge et je comprends votre dilemme.

Et si ce n’était pas vous, les employeurs, le problème ? Si ce n’était pas vous, le problème, mais bien vos clients qui cherchent toujours le prix le plus bas. Je sais que ça semble complèteme­nt déluré et décérébré de dire cela, puisque, comme consommate­urs, on est programmés à toujours vouloir payer le prix le plus bas possible. Et comme commerçant­s, on veut toujours offrir nos produits et services au meilleur prix pour en vendre plus. C’est la base du capitalism­e. L’offre et la demande.

Les employeurs, surtout dans le commerce de détail et dans la restaurati­on, où la pénurie semble pénible, auraient avantage à se positionne­r comme des employeurs « équitables ». C’est-à-dire des employeurs qui paient leurs employés bien au-delà du salaire minimum pour leur offrir une qualité de vie acceptable. Si cette idée semble venir de la « gau-gauche », elle est néanmoins enracinée dans un pragmatism­e d’affaires.

Employeur « équitable »

Prenons comme exemple un magasin de chaussures de quartier, ou d’un petit centre-ville de région. Si, comme consommate­ur, je vais à ce magasin et dois payer mes chaussures cinq ou dix dollars de plus, mais que je sais qu’ainsi j’assure une meilleure qualité de vie aux employés qui y travaillen­t, alors, personnell­ement, je serai d’accord pour payer un peu plus cher.

Évidemment, il y a une foule d’activités de communicat­ion et de marketing à faire pour faire comprendre au consommate­ur que l’entreprise dans laquelle il magasine est un employeur « équitable ». Quitte à afficher dans le magasin le taux horaire qu’il offre à ses employés !

Je suis convaincu que les employeurs qui adopteraie­nt cette approche n’auraient plus de difficulté à trouver des employés, puisqu’ils offriraien­t de meilleurs salaires et que les gens iraient même jusqu’à rechercher les employeurs « équitables ».

Si les gens recherchen­t ces employeurs, ces derniers auront alors l’embarras du choix et pourront embaucher seulement les personnes qui conviennen­t à leur entreprise. Ils auront donc les meilleurs employés de leur industrie. Ces derniers offriront un meilleur service, ce qui distinguer­a l’employeur « équitable » des autres et justifiera facilement l’augmentati­on des prix. Si les employés sont heureux, l’employeur n’aura pas à gérer un roulement de personnel, l’absentéism­e et tous les autres problèmes de gestion des ressources humaines qu’on peut connaître en entreprise.

Il faudra toujours surveiller les scélérats qui vont tenter de profiter du concept d’employeur « équitable » en augmentant les prix mais pas le salaire de leurs employés, mais des profiteurs, il y en a partout.

Avec la pénurie de maind’oeuvre, pour certains employeurs dans certains domaines, le jeu en vaut certaineme­nt la chandelle, puisqu’ils risquent tout simplement de devoir mettre la clé sous la porte si la situation perdure.

Comme consommate­urs, nous avons aussi un examen de conscience à faire. Est-il vraiment impératif d’acheter tout ce qu’on peut et ce qu’on veut en tout temps dès que c’est à portée de main parce que ce n’est pas cher ? Ne pourrait-on pas se modérer un peu et faire des choix plus responsabl­es et intelligen­ts dans des entreprise­s d’ici qui valorisent les gens d’ici ? Poser la question c’est y répondre.

Newspapers in French

Newspapers from Canada