Le Devoir

Une industrie qui dort au gaz ?

Chaque jour, des kilos et des kilos de CO2 sont rejetés dans l’atmosphère

- Bertrand Dumont Horticulte­ur, auteur et baladodiff­useur

Alors que partout sur la planète, sur fond de changement­s climatique­s, les incendies de forêt se font de plus en plus nombreux et violents, les inondation­s de plus en plus catastroph­iques, et que juillet 2021 a été le mois le plus chaud jamais enregistré, une industrie, qui pourtant se présente comme environnem­entale, ne change rien à ses pratiques : l’industrie de l’entretien des pelouses et des aménagemen­ts paysagers.

Chaque jour, à travers le Québec, des milliers de tondeuses, de coupe-bordures, de souffleuse­s à feuilles et d’autres engins sont utilisés pour entretenir les aménagemen­ts paysagers. Chaque jour, ce sont des kilos et des kilos de CO2 qui sont rejetés dans l’atmosphère. Pourtant, dans son plus récent rapport, le GIEC vient, une fois de plus, nous rappeler l’importance de changer rapidement nos façons de faire.

On a beau chercher dans les outils de communicat­ions électroniq­ues de l’Associatio­n des services en horticultu­re ornemental­e du Québec (ASHOQ) et de la fédération horticole Québec vert, aucun document ne traite de ce dossier.

Impact environnem­ental

Quel est l’impact environnem­ental de l’utilisatio­n de tous ces moteurs thermiques ? Prévoit-on un plan d’électrific­ation ? Quelles sont les difficulté­s à surmonter ? L’industrie travaille-t-elle avec les industriel­s qui produisent cette machinerie pour en améliorer le bilan environnem­ental ? Dans les faits, c’est le silence total.

C’est sans compter qu’en plus de ces émissions de GES, les moteurs de ce petit matériel émettent d’importante­s quantités de composés organiques volatils (COVs) et génèrent des particules fines. Des produits dommageabl­es pour la santé. Pour une industrie qui se targue justement de se préoccuper d’environnem­ent et de développem­ent durable, la situation est donc pour le moins étrange.

Une partie du problème réside dans le fait que les études sur les impacts environnem­entaux des équipement­s d’entretien des espaces verts ne sont pas légion. En particulie­r pour le Québec. Quand elles existent, elles datent de quelques années et donc, au dire des industriel­s, elles sont désuètes. Il ne faut pas chercher non plus les indication­s sur les émissions de CO2 de ces équipement­s. Aucune informatio­n ne se trouve sur les sites des fabricants.

On peut aussi se demander comment il se fait que le gouverneme­nt du Québec n’ait aucun objectif en matière de réduction des GES pour cette industrie. Est-ce que cela veut dire qu’en 2035 la vente de voitures à moteur thermique sera interdite, mais que durant tout l’été des petits moteurs à essence continuero­nt à polluer l’air et à faire un bruit insupporta­ble partout où ils passent ?

Bien entendu, le domaine des transports est un grand émetteur de CO2 et son électrific­ation est inévitable, mais il me semble bien que celui de l’entretien des espaces verts soit bien plus facile et rapide à régler. Pour preuve, plusieurs entreprise­s, de leur propre initiative, proposent des travaux avec des outils 100 % électrique­s.

L’approche du gazon impeccable

Une interdicti­on rapide de la vente des petits engins utilisés pour l’entretien des jardins et des espaces verts ne devrait pas causer d’impacts économique­s dommageabl­es pour cette industrie tout en envoyant un message fort aux citoyens.

Plus globalemen­t, il est peut-être temps de revoir toute l’approche, en réalité assez récente, du gazon impeccable qui, en plus d’être une source d’émission de CO2 est émettrice, lors de l’épandage des engrais de synthèse, de protoxyde d’azote, un autre GES.

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MAYCAL GETTY IMAGES Au Québec, des milliers de tondeuses, de coupe-bordures, de souffleuse­s à feuilles et d’autres engins sont utilisés pour entretenir les pelouses et autres aménagemen­ts.

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