Classique
Après 18 mois de pandémie, le monde musical a changé. Tour d’horizon de quelques plaques tectoniques.
À l’automne 2021, le monde musical entamera un retour vers une forme de normalité artistique. Après 18 mois, le panorama n’est pas le même qu’en mars 2020. Voici quelques éléments qui ont changé dans le fond et la forme.
Le mot d’ordre de ProdCan, société de production audiovisuelle montréalaise spécialisée dans la captation de concerts de musique classique, est « l’art de capter la musique pour mieux la partager ».
Le partage de la musique a largement migré vers les écrans depuis 18 mois, et les acteurs impliqués dans la chaîne de production et de diffusion audiovisuelle sont assurément parmi les grands gagnants économiques de la pandémie. ProdCan a vu son activité quintupler. Les institutions ont vite vu qu’il fallait continuer d’exister en entretenant des liens, d’abord avec le personnel (musicien et administratif), puis la clientèle, les subventionnaires et donateurs. L’activité médiatique était le véhicule de cette présence.
Dans la chaîne, plateformes et outils de monétarisation se sont développés, une intégration parfois réalisée à partir de zéro par des organisations novatrices, comme Québec baroque, devenu Canada Classique, lancé par le Festival Bach de Montréal, ou Le concert bleu, lancé par le Festival Classica et soutenu à hauteur de 800 000 $ par le gouvernement, dont nous attendons la mise en oeuvre pour la fin de l’année.
Épée de Damoclès
À ce titre, l’acquisition du catalogue Atma par Guillaume Lombart le 1er avril 2020 n’aurait pas pu mieux tomber pour les artistes de l’étiquette québécoise. Ils intègrent l’écosystème d’un spécialiste de l’audiovisuel qui, avec Livetoune, n’a pas tardé à créer une synergie entre parutions discographiques, promotion artistique, concerts et webdiffusions.
Tous les observateurs s’accordent à penser que la composante vidéo, les outils développés resteront d’une manière ou d’une autre après le retour à la normale. À ce compte-là, le grand gagnant est le mélomane, qui va pouvoir jouer sur une dualité réel/virtuel dans sa consommation musicale. Il a déjà vu à quel point cela diversifiait le répertoire, notamment lyrique. Ce faisant, il s’habitue aussi à la dématérialisation de la musique.
La vidéo ouvre les salles à des publics d’ailleurs. Le spectateur de l’OSM, de l’OM, d’I Musici ou d’Arion peut aujourd’hui résider à Rimouski, RouynNoranda, Trois-Rivières, Gatineau ou Gaspé. Évidemment, cette considération induit, en cascade, une énorme inconnue à court et moyen termes.
Il semble naturel de se demander si, pour les Trifluviens, le fait d’avoir l’OSM et l’OM à domicile ne risque pas d’influer sur leur assiduité aux concerts de l’orchestre de leur ville. Mais il n’est pas illégitime de se demander aussi si, désormais, avoir le Philharmonique de Berlin ou les concerts de la Philharmonie de Paris dans son salon, en évitant le contact avec des potentiels porteurs de germes, ne sera pas préjudiciable à l’OSM et à l’OM.
On a vu dans la Métropole, où l’offre de récitals, de musique de chambre et de récitals vocaux était assurée avant 2011 de manière satisfaisante par Pro Musica, le Ladies’ Morning et la Société d’art vocal, que l’ajout de 80 à 100 concerts annuels de la salle Bourgie a partagé le public davantage qu’il ne l’a élargi au prorata. Imaginons désormais cette offre-là en concurrence avec des récitals de Mitsuko Uchida et d’András Schiff au Wigmore Hall, qui auparavant étaient des événements d’un soir, strictement londoniens. L’épée de Damoclès est réelle.
L’effet BLM
Un métier a structurellement implosé dès le début de la pandémie : celui des agences artistiques. Les revenus étant tirés de pourcentages sur les cachets des artistes, aucun argent ne rentrait alors que les frais galopaient. Les plus grosses agences du métier ont soit implosé (Columbia), soit considérablement réduit la voilure. Le format type est désormais celui d’agences « boutiques » avec un nombre d’artistes plus réduit.
Mais celles qui vont avoir les « gros noms » ne vont pas se priver de leur pouvoir d’imposer en échange l’engagement de débutants ou de seconds couteaux. Les vieux réflexes du métier ne vont pas disparaître de sitôt… et la soumission de nombre d’administrateurs artistiques aux agences non plus !
L’autonomie de pensée et d’action, ça se cultive, et il est vrai que le conformisme, quel qu’il soit, est une sorte de seconde nature dans ce métier si prompt à faire surgir tendances et modes. L’époque pandémique nous en donne un exemple saisissant.
L’une des considérations les plus fréquemment resservies par nos interlocuteurs sur divers sujets a été : « Jamais la collaboration n’a été si grande et si étroite. » À ce titre, les grands orchestres du continent américain se sont réunis virtuellement à plusieurs reprises pour partager leurs réponses à la crise.
Ici intervient le fait que la pandémie a fait imploser le concept de programmation et planification à long terme au profit d’une réactivité à court terme qui n’avait absolument pas cours dans ce métier. Cela a ouvert la porte à la principale mutation culturelle des derniers mois. Le 25 mai 2020, Derek Chauvin tuait l’Afro-Américain George Floyd. Parce que l’un était policier. Parce que l’autre était Noir.
Qu’est-ce que ce meurtre a à voir avec la musique classique ? Rien. Qu’est-ce que ce meurtre a à voir avec la musique classique ? Tout, apparemment. Dans la foulée du mouvement Black Lives Matter, l’urgence frénétique des orchestres et institutions américaines à ne pas être catalogués « élitistes blancs » est devenue obsessionnelle. Les institutions culturelles sont les reflets de leur société : tel était le message vital à envoyer d’urgence, notamment aux commanditaires.
Comme le contenu artistique était reprogrammé dans l’instant, les concerts ont été infusés d’oeuvres de compositeurs afro-américains et de femmes. Voilà, si vous vous demandez pourquoi l’OSM s’est soudain intéressé à William Grant Still en avril dernier, et pourquoi Deutsche Grammophon enregistre une intégrale Florence Price à Philadelphie. Quant à la Negro Folk Symphony de William Dawson (1934), programmée notamment aux côtés de Beethoven à Detroit en décembre, on se demande si elle devra changer de titre d’ici là sous la pression d’un autre courant.
Les « sociaux-musiciens »
Tout renouvellement du répertoire est bienvenu et rafraîchissant quand il intervient pour de bonnes raisons. Artistiques. Quelques mises en perspectives seront offertes à ce retour des partitions des compositeurs afroaméricains que l’éditeur phonographique Naxos fait courageusement revivre depuis les deux dernières décennies dans une quasi totale indifférence du public et des programmateurs.
La tendance est là pour durer au moins à moyen terme, car l’obsession de montrer patte blanche aux subventionnaires et donateurs en matière de conscience sociale est à son acmé. Le public dans tout cela ? Il fera avec. Du moins, d’aucuns le supposent.
Pourtant, la situation au Canada et aux États-Unis est très différente. Si, au Sud, la pression de la nécessité d’engranger des commandites privées dicte faits et gestes, y compris artistiques, ici, les institutions ne se sortent pas si mal de la pandémie. Ce sont elles qui ont été soutenues, à charge pour elles de redistribuer aux artistes. Les uns et les autres l’ont fait à divers degrés, si bien que la fragilité de leur situation soulignée, nombre
d’artistes réclament un statut du type de celui d’« intermittents du spectacle » en France. Les artistes lyriques et les métiers liés à la scène ont beaucoup souffert.
Les derniers gagnants de la pandémie, ce sont les « sociaux-musiciens » qui ont acquis, souvent dans une sphère géographique précise, une aura, voire une « intouchabilité », artistique par leur simple omniprésence médiatique organisée, notamment une hyperactivité sur les réseaux sociaux. Le violoniste Daniel Hope a relancé sa carrière en faisant de son salon berlinois un studio de tournage pour DG.
En Grande-Bretagne, la fratrie Kanneh-Mason et, en France, les frères Capuçon ont occupé l’avant-scène quasi quotidiennement. En Allemagne, le pianiste Igor Levit se partageait entre vidéos musicales quotidiennes et, sur Twitter, diatribes politiques, commentaires sur mets et boisons, louanges des CD de ses partenaires musicaux et souhaits de bonne nuit.
Les positions conspirationnistes d’Andrea Boccelli ne l’ont que peu égratigné. Par contre, l’image du chef Ricardo Muti s’est un peu dégradée. Il s’est mis à donner des leçons de santé publique au président italien, de gestion au Metropolitan Opera, a viré le directeur musical de la Scala de la loge que ce dernier lui avait prêtée et a couronné son parcours par une chute en finissant la tête la première dans le gâteau d’anniversaire célébrant ses 80 ans.
Si les portions « roman interactif » de Boyfriend Dungeon sont particulièrement réussies, les donjons, dans lesquels on passe la majeure partie de notre temps à combattre des démons pour faire évoluer nos romances, sont d’une médiocrité navrante. Le système de combat est franchement générique, et notre avatar, même après l’avoir personnalisé, l’est encore plus.
Mais Kitfox Games (Moon Hunters, The Shrouded Isle) est un petit studio et on lui pardonnera ces errements. Au final, on a aimé les quelques heures qu’il nous a fallu pour développer les histoires romantiques qui nous intéressaient le plus.
Il s’agit ici d’un de ces jeux collation qu’on se met sous la dent entre deux projets plus ambitieux. Divertissant dans l’ensemble, amusant, souvent étonnant, et à essayer sans hésitation si la proposition nous intrigue un tant soit peu, surtout si on y a déjà accès avec le service d’abonnement Game Pass de Microsoft.
Olivier Sylvestre
Boyfriend Dungeon
Conçu et édité par Kitfox Games. Offert pour Mac et PC (Steam), Nintendo Switch et Xbox One.