Le Devoir

Comment résoudre un problème comme Maria ?

Mariana Mazza se fait son cinéma dans la peau d’une trentenair­e immature

- MANON DUMAIS

Comédie d’Alec Pronovost (Le Killing), Maria commence par une scène qui semble être un avertissem­ent ou une mise en abyme. Face à Yves Jacques dans son propre rôle, Mariana Mazza y incarne Maria, une actrice qui, incapable d’exprimer avec sincérité une quelconque émotion, rate avec éclat une audition.

Plus tard, afin de se préparer à la mort imminente de sa mère (Isabel Dos Santos, drôle et touchante), Maria s’entraînera à plisser les yeux, à se tordre la bouche de douleur, à prendre une petite voix d’enfant. Chaque fois qu’elle exprimera réellement du chagrin, on aura droit aux mêmes grimaces. Bref, qu’elle simule ou vive de vraies émotions à travers son personnage, Mariana Mazza ne joue qu’en surface, la connexion entre le coeur et la tête s’effectuant avec peine.

Heureuseme­nt, l’humoriste a de l’aplomb, du charisme et de l’allant. Ce qui a pour effet de rendre son personnage attachant : un exploit en soi puisque Maria est un monstre de narcissism­e qui vit aux crochets de sa mère. Dans le rôle de ses meilleures amies Laura et Raphaëlle, Alice Pascual et Florence Longpré relèvent sans difficulté le niveau de jeu, tout en ayant l’élégance de ne pas écraser leur partenaire. Pour sa part, l’humoriste Pascal Cameron, en mari de Raphaëlle, a trop peu à faire pour se faire valoir.

C’est lorsqu’elle donne la réplique à Korine Côté, amusante dans le rôle d’une directrice d’école secondaire désabusée, que Mariana Mazza, célèbre pour son bagou, paraît en pleine possession de ses moyens. La magie opère également lorsqu’elle lance des piques aux élèves de Maria, devenue enseignant­e suppléante malgré son manque d’expérience, de compétence et de maturité.

Hélas ! Cela ne suffit pas à faire de ce premier long métrage d’Alec Pronovost, qui signe une mise en scène fonctionne­lle mais impersonne­lle, une réussite. À la décharge du réalisateu­r, rappelons que le film a été tourné en moins d’une quinzaine de jours en pleine pandémie.

Le vrai problème de Maria se trouve dans le scénario, écrit par Mariana Mazza et Justine Philie, diplômée de l’École nationale de l’humour, qui a fourbi ses armes à la télé. Trop ambitieux au départ ? Partant d’un scénario de 200 pages, toutes deux ont dû élaguer plusieurs scènes, notamment celles portant sur la carrière d’actrice de Maria. Ont-elles coupé aux bons endroits ? Rien n’est moins sûr, car ce qui apparaît à l’écran est décousu, anecdotiqu­e, pas très loin de la plate enfilade de situations comiques servant de prétextes à des moments qui se veulent drôles et irrévérenc­ieux.

Tantôt mal servi par des gags qui tombent à plat, tantôt alourdi par un rythme léthargiqu­e, le volet comique de Maria ne lève pas. Quant au volet dramatique, on n’y croit guère. Et pourtant, on y aborde de plein fouet le deuil, les relations mère-fille, l’amitié entre filles, la maternité, le couple, l’éducation, la sexualité, l’intimidati­on, l’acceptatio­n de soi… Gros programme, non ?

Peut-être aurait-il fallu abandonner quelques sujets en route. Cela aurait notamment permis de mieux explorer les changement­s qui s’opèrent en Maria. Et de laisser tomber des scènes qui apportent peu d’eau au moulin, tels les affronteme­nts entre Maria et une employée bête de la cafétéria (Christine Morency). Ou d’en raccourcir d’autres, comme la scène où Maria convainc une élève d’assumer ses rondeurs ; un peu plus et on se serait cru devant une pub de savon faisant l’éloge de la différence, tant cela croule sous les bonnes intentions.

Au fond, plutôt que de se faire son cinéma, Mariana Mazza aurait dû se tourner vers le petit écran. En tranches d’une demi-heure, sur une saison ou plusieurs, les péripéties profession­nelles de la sympathiqu­e adulescent­e de 30 ans auraient certaineme­nt eu une plus grande portée.

Maria

Comédie d’Alec Pronovost. Avec Mariana Mazza, Alice Pascual, Florence Longpré, Isabel Dos Santos, Korine Côté et Pascal Cameron. Québec, 2021, 90 minutes. En salle.

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