Christophe Barratier tombe bien bas
Avec Envole-moi, le réalisateur des Choristes tente de marcher sur les platebandes du duo Nakache-Toledano et s’écrase dès le décollage
Thomas (Victor Belmondo) est un fils à papa qui se laisse vivre. Il a abandonné ses études de médecine au bout de seulement six mois et vit la nuit, de boîte en boîte et de fille en fille, suscitant la déception de son père (Gérard Lanvin), chirurgien, aux crochets duquel il vit et que tout semble opposer. Lorsque Thomas, rentrant de soirée complètement ivre, « gare » la voiture dans la piscine, c’est littéralement la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Son père décide de lui couper les vivres et de lui trouver une occupation. Il devra prendre soin de l’un de ses patients, Marcus (Yoann Eloundou), un garçon de presque 12 ans né avec une malformation cardiaque incurable et qui a perdu l’envie de vivre.
Un jeune sans but dans l’existence, un enfant qui ne supporte plus son quotidien ni d’être traité comme un handicapé, l’un privilégié, l’autre issu des cités, et une relation fraternelle qui se crée entre deux personnages qui n’étaient pas destinés à se rencontrer, mais qui vont bouleverser leurs vies mutuelles. Le synopsis sent le réchauffé. Mais après Intouchables et Hors normes, Envole-moi fait plutôt tiède et fade. N’est pas Olivier Nakache ou Éric Toledano qui veut.
En voulant marcher sur les platebandes du duo Nakache-Tolédano, Christophe Barratier, réalisateur des Choristes, s’écrase dès le décollage. Intouchables et Hors normes présentaient des personnages profonds et attachants, unis par un lien étroit qui mettait du temps à s’installer. Celuici s’enrichit des caractères francs des protagonistes, et de là émerge le ressort comique (Omar Sy, dans Intouchables, transpose la blague du « pas de bras, pas de chocolat » à un niveau stratosphérique).
Malheureusement, le scénario que cosigne Christophe Barratier avec Anthony Marciano, Matthieu Delaporte et Alexandre de La Patellière, est creux et utilise des ficelles grossières pour tirer la larmichette. Sans surprise ni saveur, tout y est attendu et la relation entre Thomas et Marcus n’a pas le temps de se développer. À ça s’ajoutent des répliques téléphonées, frôlant parfois le grotesque. On garde en tête la conversation entre Thomas et son père lorsque ce dernier décide de confier à son fils la tâche de prendre soin de Marcus : « Tu cherches quelqu’un pour… ? » « Je ne cherche pas. J’ai trouvé. » Le dialogue, comme presque tous les autres dans ce film, sonne faux. C’est d’autant plus décevant quand on se souvient que Delaporte et de La Patellière sont les auteurs de l’excellente pièce (et du film) Le prénom.
Non, décidément, rien ne va. Comme si le scénario ne suffisait pas, Christophe Barratier multiplie les plans clichés comme s’il réalisait un téléfilm qui plagierait de grands succès cinématographiques. Que ce soit en utilisant des ralentis dont on se serait allègrement passés, des reflets de lumière faussement profonds dans l’objectif de la caméra, une métaphore de cerf-volant navrante ou, pire, la mise en musique. La scène où le tout jeune Marcus tombe sous le charme dès le premier regard de la petite Léa passerait presque pour une parodie sortie d’Astérix et Obélix :
mission Cléopâtre. Barratier croirait-il si peu à son scénario qu’il se sent obligé d’en forcer le trait ?
Et s’il n’y croit pas, les acteurs non plus ne semblent pas y croire. Gérard Lanvin, qui n’a plus rien à prouver du haut de sa longue carrière (Le goût des autres, Le fils préféré, pour lesquels il a obtenu le César du meilleur acteur), fait ici ce qu’il peut avec ce qu’il a. Malheureusement, il ne peut pas non plus se raccrocher à son partenaire, Victor Belmondo, qui n’a visiblement pas hérité du talent de son illustre grand-père. Le jeu du petit-fils de « Bébel » a presque autant de nuances qu’un électrocardiogramme plat. Il fait s’en aller l’intensité dramatique nécessaire loin, très loin, de ce film qui en a pourtant cruellement besoin. Le jeune Yoann Eloundou, qui fait ses débuts au cinéma avec le rôle de Marcus, sauve un peu la mise par sa fraîcheur, mais celle-ci ne suffit pas.
Envole-moi tient de la catastrophe aérienne dont on préfère largement être spectateur plutôt que passager.
Envole-moi
★ 1/2 Comédie dramatique de Christophe Barratier. Avec Victor Belmondo, Gérard Lanvin et Yoann Eloundou. France, 2021, 91 minutes. En salle.