Résonance fantomatique
Le film The Night House repose sur un concept original en matière de maisons hantées
À la vue d’une maison abandonnée, de passage dans une demeure au passé trouble ou juste trop silencieuse, on a tous déjà frissonné en se demandant « et si ? ». Et si le fantôme de quelque ancien occupant errait toujours ? Les cheveux se dressent sur la nuque, et hop, la machine à « se conter des peurs » s’emballe. Cette auguste propension à croire aux esprits, ne seraitce que pendant cinq minutes, explique en partie le succès pérenne des romans et films de maisons hantées. Porté par une composition remarquable de Rebecca Hall, The Night House offre une variation originale.
D’emblée, le désir de s’éloigner des lieux communs se manifeste à travers le choix de ladite maison, qui n’a rien d’un manoir décati propice à accueillir spectres et apparitions hurlantes. Au contraire, on se trouve en présence d’une maison hypermoderne, un petit bijou architectural doté d’immenses fenêtres donnant sur un lac en contrebas. Concession aux poncifs chers au genre : l’endroit est isolé, en pleine nature aux mille ombres et bruissements.
On y fait la connaissance de Beth alors qu’elle rentre à peine de l’enterrement de son conjoint, Owen, qui vient de s’enlever la vie (architecte, Owen a conçu les plans de la propriété). Cette nuit-là, Beth est réveillée par des bruits inexpliqués. Bientôt, elle reçoit des messages texte d’outre-tombe.
S’ensuit une double enquête dont les trames parallèles sont vouées à fusionner. En effet, hormis les phénomènes surnaturels auxquels elle est confrontée, Beth découvre qu’Owen menait une double vie pour le moins bizarre.
Il y a donc deux énigmes à résoudre, lesquelles énigmes sont bien sûr interdépendantes. On n’en dira pas davantage, sinon que le concept des scénaristes Ben Collins et Luke Piotrowski (Super Dark Times) est original, et que c’est en soi matière à réjouissance dans un genre trop souvent miné par les clichés.
Malheureusement, le duo s’avère parfois malhabile dans la gradation des indices. Ainsi, deux informations clés concernant, respectivement, le volet surnaturel et les activités secrètes d’Owen sont livrées beaucoup trop tôt. De telle sorte que pour plusieurs cinéphiles, la révélation ultime
n’en sera pas une. Certains éléments, notamment une fausse piste impliquant un voisin, de même que la visite inopinée d’une jeune libraire, ne convainquent en outre pas.
Tension et durée
Les premier et troisième actes sont les meilleurs, avec un dénouement où tout s’accélère après une (trop) lente montée. S’enchaîne dans ces quinze ou vingt minutes une succession de trouvailles de mise en scène, dont d’habiles et sinistres trompel’oeil. Sur le plan de la réalisation d’ailleurs, David Bruckner s’en tire avec les honneurs. Pour mémoire, on doit au réalisateur The Ritual (Le rituel, 2017), incursion réussie dans l’horreur folklorique.
Plutôt que de s’appuyer paresseusement sur des coupes rapides visant à faire sursauter (sauf pour une poignée d’efficaces exceptions), Bruckner privilégie des plans longs où la tension naît de l’expectative.
L’immersion est facilitée par Rebecca Hall, à la fois très ancrée, mais complètement à fleur de peau ; une splendide composition que la sienne. L’actrice propose une vision différente du deuil, entre humour noir cynique et désarroi qui couve. Pour mémoire, on a déjà pu constater les affinités de Rebecca Hall avec ce type de récits dans le très bon mais méconnu The Awakening (La maison des ombres, de Nick Murphy, 2009), autre histoire de maison hantée avec une « twist ».
Au fond, sans doute la meilleure façon d’apprécier The Night House consiste-t-elle à se plonger dans l’atmosphère de plus en plus anxiogène et à se laisser porter sans trop chercher à élucider le mystère avant la fin.
The Night House (V.O.)
★★★★ Drame fantastique de David Bruckner. Avec Rebecca Hall, Sarah Goldberg, Evan Jonigkeit, Vondie Curtis-Hall, Stacy Martin. États-Unis, 2020,
110 minutes. En salle.