Le Devoir

Appels à repenser l’interventi­on policière en cas de crise

- MORT DE PIERRE CORIOLAN JESSICA NADEAU

Les corps policiers doivent s’appuyer davantage sur l’expertise de la communauté, plaide un expert entendu lundi à la reprise des audiences du coroner sur le décès de Pierre Coriolan, un homme qui souffrait de problèmes de santé mentale et qui a perdu la vie à la suite d’une interventi­on policière le 27 juin 2017.

« Il faut regarder d’autres modèles d’interventi­on qui ne passent peut-être pas par la police, a soutenu l’expert en santé mentale et policier à la retraite du SPVM, Michael Arruda, devant le coroner en chef adjoint, Luc Malouin. Je ne connais pas de policiers qui sont là pour régler des problèmes sociaux. Eux-mêmes le disent qu’ils ne sont pas à l’aise, que ce n’est pas dans leur mandat, mais ils sont obligés de le faire. Moi, je dirais que la communauté devrait prendre plus de places dans ces interventi­ons ».

Selon lui, les corps policiers québécois sont en retard en matière d’interventi­on sociale. Il donne en exemple la formation de réponse en interventi­on de crise (RIC), qu’il a créée et qui est offerte sur une base volontaire aux policiers depuis 2013. « C’est un modèle qui existait depuis 1988 à Memphis et qu’on a adopté au Québec. On est en train de réinventer la roue aujourd’hui quand ça fait trente ans que la roue existe ! »

Aujourd’hui, dit-il, ce qui est « novateur », c’est l’implicatio­n des partenaire­s de la société dans les interventi­ons en situation de crise, un modèle testé présenteme­nt dans plusieurs villes.

« Si on ne commence pas, comme organisati­ons policières, à changer nos façons de faire, à changer notre vision et à être plus novateur, on va se retrouver ici encore dans dix ans […] à la suite d’un autre événement tragique. »

« Poudre aux yeux »

Interrogé par le coroner à savoir si trente heures de formation continue obligatoir­e pour tous les policiers sur une base annuelle, comme recommandé dans le livre vert sur la réalité policière, étaient suffisante­s, l’expert Michael Arruda n’a pu s’empêcher de rire.

« Il y a tellement de requalific­ations à faire, trente heures, ce n’est pas assez », a-t-il tranché. Il affirme d’ailleurs que cette recommanda­tion du comité consultati­f sur la réalité policière n’est que de la « poudre aux yeux », puisque la majorité des policiers font déjà un total de trente heures en formation ici et là. Or, selon lui, il serait essentiel de miser sur la communicat­ion et la désescalad­e, de même que sur le principe du « stop, think and act », qui force les policiers à faire un temps d’arrêt pour mieux réfléchir aux moyens à utiliser avant une interventi­on.

Besoins des policiers

Plus tôt lundi, son ancien collègue et ex-policier du SPVM Stéphane Wall a lui aussi fait part de ses réserves par rapport à la formation. Ainsi, selon lui, il y a trop d’accent mis sur le côté technique au détriment de l’intelligen­ce émotionnel­le. « C’est correct d’avoir les aspects techniques, mais ça ne répond pas aux besoins actuels des policiers et aux recommanda­tions des coroners qui vont toujours dans le même sens, à savoir qu’il faut trouver des façons différente­s de faire les choses, de sensibilis­er les policiers sur la désescalad­e, la santé mentale, etc. »

Selon lui, l’aspect du maintien des compétence­s fait grandement défaut depuis que la nouvelle administra­tion du SPVM a mis la hache dans un programme de formation par les pairs qu’il avait mis sur pied. « Un vide est à nouveau en train de se créer en matière de maintien des compétence­s », se désole-t-il.

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