Le Devoir

« Nolisez les avions, sortez-les de là ! »

Des personnali­tés du milieu juridique demandent de pouvoir parrainer leurs consoeurs afghanes en danger

- LISA-MARIE GERVAIS

Alors que Québec vient d’annoncer qu’il prendra en charge 300 Afghans qui ont été évacués à Toronto, des personnali­tés du milieu du droit ont prié les gouverneme­nts fédéral et provincial de leur permettre de parrainer leurs consoeurs avocates et juges afghanes. Elles lancent par le fait même un appel à tous qui, espèrentel­les, fera boule de neige.

« Il faut que je sorte mes consoeurs de là ! Je ne peux pas rester les bras croisés. » Marie-Christine Kirouack, avocate en droit de la famille et nouvelle ombudsman de l’Archidiocè­se de l’Église catholique de Montréal, n’en pouvait plus de voir défiler les horreurs sur son écran de téléviseur. « Les femmes juges et avocates sont en train de brûler leurs diplômes et leurs codes civils. Elles effacent leur passé pour ne pas être tuées. Je ne peux pas rester assise là. Ça me regarde ! C’est une question d’humanité », dit-elle, visiblemen­t très inquiète.

Après avoir vu un reportage sur un ange gardien de la communauté afghane en Estrie, elle a décidé de l’appeler sur-le-champ. Elle a ensuite contacté son amie, Pepita Capriolo, juge à la retraite de la Cour supérieure du Québec, pour sonder son intérêt concernant le parrainage. « J’ai dit oui tout de suite ! », raconte au Devoir Mme Capriolo, connue pour avoir mené l’enquête sur un prêtre diocésain reconnu coupable d’agressions sexuelles sur des mineurs, et formulé des recommanda­tions à l’Archidiocè­se de Montréal.

Un trémolo dans la voix, elle a raconté sa rencontre avec des juges afghanes lors d’un congrès organisé par l’Internatio­nal Associatio­n of Women Judges en 2012. « Je les avais trouvées tellement courageuse­s. Ce n’était pas non plus facile à ce moment-là pour elles. »

Une lettre aux ministres

Ensemble, elles ont écrit une lettre à chacun des ministres de l’Immigratio­n, au fédéral et au provincial, sachant que les compétence­s en immigratio­n sont partagées. Hormis les politesses d’usage, la lettre, qui tient en à peine deux paragraphe­s, porte un

Les femmes juges et avocates sont en train de brûler leurs diplômes et leurs codes civils. Elles effacent leur passé »

pour ne pas être tuées. Je ne peux pas rester assise là. MARIE-CHRISTINE KIROUACK

À la veille d’une réunion spéciale des dirigeants du G7 sur la crise en Afghanista­n, les autorités canadienne­s affirment que des membres des forces spéciales de l’armée sortent des limites strictes de l’aéroport de Kaboul, secteur très chaotique, pour amener des gens vers les avions.

Les responsabl­es n’ont pas voulu fournir plus de détails, lundi, pour des raisons de sécurité, mais ils ont déclaré qu’ils réussissai­ent à mettre maintenant plus d’Afghans en sûreté.

Ils ont déclaré qu’un appareil C-17 Globemaste­r canadien avait décollé de l’aéroport de Kaboul dimanche soir avec 436 personnes à bord, dont des citoyens canadiens et des membres de leur famille, ainsi que des ressortiss­ants afghans acceptés pour une réinstalla­tion par le Canada et ses alliés. La veille, on avait réussi à faire sortir de Kaboul 121 personnes par avion, indique-t-on.

« Nous réussisson­s à amener un nombre important de personnes [à l’aéroport de Kaboul], ce qui constitue une améliorati­on significat­ive depuis les derniers jours », a déclaré un responsabl­e. « Nous avons pris la décision de révéler que les forces spéciales du Canada ont été et continuent de travailler en dehors des limites de l’aéroport », a-t-il ajouté.

Le responsabl­e a déclaré que les membres des forces spéciales « travaillai­ent sans relâche » pour faire passer le plus de citoyens canadiens et d’Afghans admissible­s à travers les barrières de sécurité vers les avions en attente à l’aéroport.

Cette informatio­n a été donnée lundi lors d’un point de presse pour les journalist­es, à condition que les responsabl­es ne soient pas nommés, conforméme­nt aux ententes

Nos forces sur le terrain ont toutes les autorisati­ons » nécessaire­s JUSTIN TRUDEAU

convenues pour de tels breffages techniques.

Des Afghans désespérés et terrorisés qui ont déjà été interprète­s pour les forces militaires occidental­es et les agences de presse, entre autres, se cachent depuis la semaine dernière, craignant pour leur sécurité et celle de leur famille, alors que l’Afghanista­n est maintenant dirigé par les talibans. Ces collaborat­eurs afghans craignent maintenant de violentes représaill­es, voire une exécution sommaire.

« Nos forces sur le terrain ont toutes les autorisati­ons nécessaire­s pour faire ce qu’elles jugent nécessaire pour sauver le plus de personnes le plus rapidement possible », a déclaré le premier ministre Justin Trudeau, lundi à Halifax, lors d’une étape de campagne électorale.

Sauver d’autres Afghans

La crise en Afghanista­n a occupé une place prépondéra­nte au cours de la première semaine de cette campagne. M. Trudeau a déclaré lundi qu’il participer­ait mardi à une réunion virtuelle des leaders du G7, qui examinera les moyens de faire face à cette crise.

« Dans notre conversati­on avec les autres chefs du G7, on va parler de comment on peut en faire encore plus pour aider les gens qui sont pris en Afghanista­n et qui veulent quitter, a-til dit. Le Canada et ses pays partenaire­s vont être là pour aider le plus de gens possible. »

Cela implique, a-t-il dit, d’examiner ce qui peut être fait aussi pour aider d’autres Afghans vulnérable­s, y compris les femmes et les enfants, ainsi que les militants des droits de la personne, les politicien­s, les journalist­es et d’autres Afghans qui sont maintenant dans la ligne de mire des talibans.

Les autorités canadienne­s n’ont pas révélé le nombre de femmes et d’enfants qui ont été évacués jusqu’ici, notamment lors du plus récent vol, dimanche. Le ministre de l’Immigratio­n, Marco Mendicino, a écrit sur Twitter qu’il y avait « plusieurs » enfants parmi les 436 personnes à bord de cet avion. Il soutient aussi que le Canada a aidé jusqu’à présent 1500 réfugiés afghans à se mettre en sécurité.

Le président de la section canadienne de l’organisati­on humanitair­e Save the Children a appelé lundi les dirigeants mondiaux à faire davantage pour rationalis­er leurs processus d’évacuation des jeunes.

« Bien que le Canada ait déjà annoncé un programme de réinstalla­tion, il est important que les efforts d’évacuation ne soient pas entravés en raison de la paperasser­ie bureaucrat­ique, car la situation exige une action urgente », a déclaré Danny Glenwright.

Au total, des responsabl­es ont déclaré que le Canada avait évacué d’Afghanista­n environ 1700 personnes sur treize vols, dont quatre qui ont repris jeudi dernier après que le Canada et ses alliés eurent réussi à sécuriser l’aéroport de Kaboul. Ce nombre comprend également des dizaines de membres du personnel des 12 autres pays qui participen­t au pont aérien dirigé par les États-Unis.

Des responsabl­es canadiens ont déclaré qu’environ 300 Afghans avaient terminé leur quarantain­e et seraient éventuelle­ment réinstallé­s en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britanniqu­e.

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