Le Devoir

Dette pandémique

- GÉRARD BÉRUBÉ

Les ménages ont pu abaisser leur endettemen­t non hypothécai­re et effectuer un grand rééquilibr­age de leur passif le temps d’une pandémie. Entre distorsion et discipline. L’analyse de Statistiqu­e Canada publiée lundi fait ressortir une diminution record de 20,6 milliards de la dette non hypothécai­re des ménages entre le début de la pandémie et janvier 2021, une baisse dominée par l’effacement de 16,6 milliards de l’endettemen­t par carte de crédit. Dans ce dernier cas, l’on parle d’une réduction de 18,3 % en moins d’un an qu’il faut mettre dans la perspectiv­e d’une augmentati­on annuelle moyenne de 20,7 % du solde impayé des cartes de crédit au cours des vingt ans ayant précédé la pandémie, suggère l’agence fédérale.

La réduction des dépenses imposée par les restrictio­ns sanitaires et la hausse du revenu disponible amplifiée par les programmes de soutien gouverneme­ntaux ont combiné leurs effets. La faiblesse des taux d’intérêt est venue se greffer à l’équation. « De nombreux ménages ont profité de la situation pour rembourser leurs dettes non hypothécai­res coûteuses. Par conséquent, des soldes de marges de crédit non garanties et de cartes de crédit ont été remboursés dans des proportion­s record », lit-on dans l’étude de Statistiqu­e Canada. S’ajoute à l’embellie l’observatio­n voulant que les réductions les plus importante­s du niveau d’endettemen­t aient été mesurées parmi les Canadiens ayant les plus faibles cotes de crédit.

Sous l’angle de la santé financière, le volume trimestrie­l des dossiers d’insolvabil­ité de consommate­urs en avriljuin restait inférieur à ce qu’il était avant la pandémie. « Plus de 22 800 Canadiens ont déposé un dossier d’insolvabil­ité ou déclaré faillite au deuxième trimestre, soit environ 35 % de moins qu’avant la pandémie et 3,9 % de moins qu’au premier trimestre de cette année. Pour la période de douze mois ayant pris fin le 30 juin, le nombre de Canadiens ayant déposé un dossier a diminué de 25,7 % par rapport à l’année précédente », soulignait le 12 août l’Associatio­n canadienne des profession­nels de l’insolvabil­ité et de la réorganisa­tion (ACPIR).

Distorsion­s

Ce portrait n’est pas sans mettre en évidence la portée des programmes gouverneme­ntaux de soutien aux revenus. Au début de la pandémie, la rémunérati­on totale des employés s’est contractée de 8,5 % au deuxième trimestre de 2020 sous le coup des mises à pied, des réductions des heures de travail et de la modificati­on des conditions de travail. Mais sans le soutien gouverneme­ntal, cette rémunérati­on aurait possibleme­nt affiché une diminution du double, calcule Statistiqu­e Canada. Cette rémunérati­on a bénéficié de l’assoupliss­ement des restrictio­ns pour rebondir au deuxième semestre puis dépasser son niveau de fin 2019 au premier trimestre de 2021, les transferts gouverneme­ntaux aux ménages demeurant tout de même de 26 % supérieurs aux niveaux observés un an plus tôt.

La lecture met également en exergue l’influence de la faiblesse des taux d’intérêt. « Les emprunteur­s ayant des produits à taux variable ou ceux qui ont pu refinancer ou consolider leur dette à des taux plus bas ont pu réduire leurs frais d’intérêt et consacrer une part plus importante de leur service de la dette à la réduction du capital restant dû. »

L’on observe toutefois que si les dettes non hypothécai­res plus coûteuses ont diminué de manière notoire durant la pandémie, d’autres catégories comme les marges de crédit garanties et les prêts personnels ont continué d’augmenter. Aussi, du début de la pandémie à janvier 2021, la dette hypothécai­re a affiché « une croissance sans précédent » de 99,6 milliards de dollars attribuabl­e à la hausse des prix des maisons, en particulie­r les maisons unifamilia­les, souligne Statistiqu­e Canada qui observe qu’un an après le début de la pandémie, les deux tiers de l’endettemen­t des ménages canadiens, estimé à 2500 milliards de dollars, étaient des dettes hypothécai­res.

Discipline

Cette discipline financière semble persister. Du moins, malgré la reprise du marché du travail, le soutien gouverneme­ntal continu et l’améliorati­on générale de la situation des entreprise­s, les dépenses nettes des ménages étaient de 2,6 % sous leurs records d’avant la pandémie à la fin du premier trimestre de 2021. Pour sa part, l’encours de la dette non hypothécai­re de mars était toujours inférieur de 11,5 milliards de dollars à son niveau prépandémi­e.

En revanche, l’assoupliss­ement général des restrictio­ns en 2021 a entraîné une forte augmentati­on des nouveaux emprunts non hypothécai­res, l’emprunt en avril ayant atteint un record inégalé depuis 2010. Alors que l’activité d’emprunt a atteint son plus bas niveau au cours de la pandémie en mars et avril 2020, les nouveaux emprunts ont connu une croissance d’une année à l’autre exceptionn­elle en mars et en avril 2021, note Statistiqu­e Canada.

Et l’ACPIR de s’inquiéter, de son côté, du fait que de nombreux ménages ont contracté des prêts hypothécai­res importants par rapport à leurs revenus, « ce qui pourrait placer certains d’entre eux dans une situation financière précaire », dans une conjonctur­e de taux d’intérêt à la hausse.

Statistiqu­e Canada observe qu’un an après le début de la pandémie, les deux tiers de l’endettemen­t des ménages canadiens, estimé à 2500 milliards de dollars, étaient des dettes hypothécai­res

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