Vers la fin des commissions à la Bourse ?
La Banque Nationale a décidé d’abolir les commissions sur les transactions en ligne
La gratuité des commissions sur l’achat et la vente d’actions pourrait devenir la norme après que la Banque Nationale Courtage direct (BNCD) a annoncé l’abolition de ce type de frais, lundi.
« Plusieurs courtiers américains offrent les transactions gratuites depuis un bon bout de temps, et comme le marché canadien est habituellement à la traîne de quelques années par rapport au marché américain, ce n’est qu’une question de temps avant que la plupart des courtiers à escompte offrent les transactions gratuites », croit Jean-Philippe Tarte, maître d’enseignement à HEC Montréal.
Depuis 2013, l’application Robinhood offre les transactions gratuites sur les actions et fonds négociés en Bourse (FNB). Le courtier en ligne Charles Schwab a fait les manchettes lorsqu’il a aboli les frais de transaction en 2019. Les concurrents l’ont suivi dans les jours suivants. Bon nombre d’investisseurs autonomes espéraient que l’offre serait imitée par les courtiers affiliés aux grandes banques canadiennes.
Au Canada, Wealthsimple, dont Power Corporation est le principal actionnaire, proposait déjà le courtage sans commission et sans solde minimal dans le compte. En emboîtant le pas, Banque Nationale devient le premier courtier affilié à une grande banque canadienne à ne plus facturer de commission sur les transactions d’actions cotées en Bourse. Les frais de transaction chez les concurrents affiliés à des banques oscillent entre 5 $ et 10 $ la transaction.
L’institution financière montréalaise espère que cette nouvelle tarification lui permettra « d’élargir le bassin de sa clientèle d’investisseurs autonomes », soit les épargnants qui gèrent eux-mêmes leur portefeuille. « On veut donner l’avantage d’être affilié à une grande banque à tous nos clients, mais avec la tarification d’une fintech », affirme
Claude-Frédéric Robert, président de BCND, en entrevue.
L’offensive de la Banque Nationale pourrait forcer la main des autres grandes banques, estime Julien Brault, fondateur et p.-d.g. de l’application de finances personnelles Hardbacon. En attirant des clients vers sa plateforme de courtage en ligne, Banque Nationale pourrait également effectuer des ventes croisées et attirer de nouveaux clients vers ses services bancaires. « Selon moi, c’est une menace importante, et je ne serais pas surpris que les autres banques ne veuillent pas courir le risque. »
Les commissions pourraient complètement disparaître d’ici « quelques mois », anticipe Mario Mendoca, analyste spécialisé du secteur bancaire chez Valeurs mobilières TD. « Si une autre banque fait de même, nous croyons qu’elles suivront toutes. »
Pour le moment, la Banque TD ne prévoyait pas faire d’annonce à cet égard lundi, confirme Caroline Phémius, sa directrice des affaires publiques. À la Banque RBC, on dit évaluer « constamment » la tarification des courtiers à escompte. « Notre barème actuel des frais et des commissions est, à notre avis, avantageux pour la clientèle », répond Kathy Bevan, porte-parole de la Royale.
Question de frais
M. Robert ne veut pas chiffrer les sommes auxquelles la Banque Nationale renonce en lançant cette nouvelle offre promotionnelle. Gabriel Dechaine, l’analyste spécialisé du secteur bancaire de la Financière Banque Nationale, estime que les commissions représentent 1,2 % des bénéfices de la banque montréalaise. Selon lui, la Banque TD est celle qui a le plus à perdre dans une potentielle guerre de prix. Il estime que 4,2 % des bénéfices de la banque proviennent des commissions. Pour les cinq autres grandes banques canadiennes, il évalue que les commissions représentent entre 1 % et 2,7 % de leurs bénéfices.