Le Devoir

Mise en garde des talibans contre tout report du retrait des Américains

- DAVID FOX À KABOUL

Les talibans ont mis en garde lundi les États-Unis contre le maintien envisagé de forces américaine­s en Afghanista­n audelà de la date prévue du 31 août, afin de permettre la poursuite des évacuation­s.

À Kaboul, la situation restait chaotique et tendue autour de l’aéroport, où des milliers de personnes effrayées par le retour des islamistes au pouvoir se massent en espérant pouvoir quitter leur pays à bord des avions affrétés par les Occidentau­x.

Dans la matinée, des militaires américains et allemands chargés de protéger et d’encadrer ces évacuation­s y ont échangé des tirs avec des assaillant­s non identifiés. Un garde afghan a été tué et trois ont été blessés, a annoncé l’armée allemande sur Twitter.

Le président Joe Biden a récemment évoqué la possibilit­é de prolonger au-delà du 31 août la présence américaine à l’aéroport de Kaboul, où sont retranchés les derniers soldats et diplomates occidentau­x qui coordonnen­t les évacuation­s.

Il avait auparavant fixé cette date pour l’achèvement du retrait des forces américaine­s d’Afghanista­n, et donc la fin d’une guerre de vingt ans.

Mais les talibans ont haussé le ton lundi contre un possible allongemen­t de ce délai. « La réponse est non », sinon « il y aura des conséquenc­es », a réagi un porte-parole des talibans, Suhail Shaheen.

Deux sources au sein du nouveau régime ont ensuite dit à l’AFP que les talibans n’annoncerai­ent pas la constituti­on d’un gouverneme­nt tant qu’il resterait des militaires américains en Afghanista­n.

Depuis leur soudaine prise du pouvoir le 15 août, les talibans tentent de convaincre la population qu’ils ont changé et que leur régime sera moins brutal que le précédent, entre 1996 et 2001. Mais cela n’endigue pas le flot de ceux qui ne croient pas en leurs promesses et veulent à tout prix partir.

Des dizaines de milliers de ressortiss­ants étrangers, mais aussi des Afghans menacés ou ayant travaillé pour les alliés, ont déjà été évacuées par les puissances occidental­es ces dernières semaines.

Des sanctions au menu du G7

Mais bien d’autres sont en attente d’exfiltrati­on, d’où l’idée de repousser l’échéance du 31 août de quelques jours pour finir de les évacuer.

La France a jugé ce délai « nécessaire » pour « mener à bien les opérations en cours », a souligné son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.

Le gouverneme­nt allemand a de son côté indiqué être en discussion avec les États-Unis, la Turquie et d’autres partenaire­s pour garder l’aéroport de Kaboul ouvert pour les évacuation­s après le 31 août, estimant qu’il faudrait « continuer à discuter avec les talibans » pour le faire fonctionne­r après le retrait des troupes américaine­s.

Londres a annoncé lundi qu’il plaiderait aussi pour une prolongati­on des évacuation­s au-delà du 31 août mardi lors d’un sommet virtuel du G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni) consacré à l’Afghanista­n, où il sera notamment question d’imposer des sanctions aux talibans.

« Avec nos partenaire­s et alliés, nous continuero­ns à utiliser tous les leviers humanitair­es et diplomatiq­ues pour sauvegarde­r les droits de la personne et protéger les acquis des deux dernières décennies [en Afghanista­n] », a assuré dans un communiqué le premier ministre britanniqu­e, Boris Johnson.

Justin Trudeau n’a pas non plus exclu l’imposition de sanctions contre le nouveau régime islamiste en place en Afghanista­n. « Certaineme­nt, on est en train de regarder plus de sanctions. Les talibans sont déjà reconnus comme étant une entité terroriste au Canada, mais nous allons parler avec nos homologues du G7 pour voir quelles seront les prochaines étapes qu’on devrait faire », a-t-il dit.

Les États-Unis ont indiqué lundi avoir évacué 16 000 personnes lors des dernières 24 heures, portant à 42 000 leur nombre d’évacués depuis juillet, dont 37 000 depuis l’intensific­ation de ces opérations le 14 août, veille de la prise de Kaboul par les talibans. La Maison-Blanche espère ainsi exfiltrer jusqu’à 15 000 Américains, mais aussi de 50 000 à 60 000 Afghans et leur famille.

L’Allemagne a, elle, aidé plus de 2500 personnes à partir, et le RoyaumeUni, plus de 5700. La France a indiqué avoir mis à l’abri près de 1200 personnes, dont « près d’un millier d’Afghanes et d’Afghans menacés », entre le 17 et le 22 août.

Évacuation chaotique

Les images fortes de gens écrasés dans la mêlée, de jeunes hommes accrochés au fuselage d’un avion américain sur le départ ou de ce bébé passé à bout de bras au-dessus d’un mur à des soldats américains ont fait le tour du monde. « Il n’y a aucun moyen d’évacuer autant de gens sans causer de peine ni de pertes ni les images déchirante­s que vous voyez », a prévenu M. Biden.

Espérant toujours un miracle, des familles demeurent massées entre les barbelés qui entourent le périmètre séparant les talibans des troupes américaine­s, et l’accès à l’aéroport reste difficile.

Un haut responsabl­e taliban, Amir Khan Mutaqi, avait renvoyé dimanche la responsabi­lité du chaos à l’aéroport sur les États-Unis et prévenu que cela ne pourrait durer très longtemps.

« Il y a la paix et le calme dans tout le pays, mais il n’y a que le chaos à l’aéroport de Kaboul […] Cela doit cesser le plus tôt possible », a-t-il averti.

Dans le reste de la capitale, la situation semblait en effet plutôt calme. Des combattant­s talibans en armes patrouille­nt dans les rues et sont déployés à des postes de contrôle.

L’Iran, voisin inquiet des retombées du conflit en Afghanista­n, a appelé lundi « toutes les parties » afghanes à négocier en vue de la formation d’un gouverneme­nt « représenta­tif de la diversité » du pays.

Si aucun gouverneme­nt n’a encore été instauré, les discussion­s se poursuivan­t avec des personnali­tés afghanes pour y inclure d’autres factions, les talibans ont tout de même tenté d’affirmer leur autorité.

Ils ont ainsi remplacé sur tous les bâtiments publics le drapeau national tricolore par leur drapeau blanc, orné en noir d’une profession de foi islamique et du nom officiel de leur régime : l’Émirat islamique d’Afghanista­n.

Les islamistes sont entrés le 15 août dans la capitale sans rencontrer de résistance, à l’issue d’une offensive éclair entamée en mai à la faveur du début du retrait des forces américaine­s et de l’OTAN.

 ?? MINISTÈRE DE LA DÉFENSE BRITANNIQU­E ?? Des soldats américains et britanniqu­es participai­ent dimanche aux efforts d’évacuation à l’aéroport de Kaboul.
MINISTÈRE DE LA DÉFENSE BRITANNIQU­E Des soldats américains et britanniqu­es participai­ent dimanche aux efforts d’évacuation à l’aéroport de Kaboul.

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