Le Devoir

Trop peu de détails pour le test de la Charte

Le gouverneme­nt devra prouver la nécessité d’imposer la vaccinatio­n au personnel de la santé

- MYLÈNE CRÊTE CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À QUÉBEC

Le gouverneme­nt devra faire preuve de transparen­ce pour passer le test des tribunaux si la vaccinatio­n obligatoir­e du personnel de la santé venait à être contestée. C’est du moins l’avis des juristes entendus en commission parlementa­ire vendredi.

« Plus on est responsabl­e d’une atteinte qui est considérée comme étant grave en temps normal aux droits fondamenta­ux, plus l’État, à l’étape de la justificat­ion, va devoir apporter une preuve robuste pour appuyer ses arguments », a expliqué le professeur de droit de l’Université Laval Louis-Philippe Lampron. D’où l’importance de calibrer cette mesure extraordin­aire « en reconnaiss­ant des exceptions » pour les travailleu­rs qui ne peuvent pas se faire vacciner pour des raisons de santé. Il faut que les bénéfices de la vaccinatio­n obligatoir­e « l’emportent largement sur les inconvénie­nts ».

Peu de préparatio­n

Seize intervenan­ts se sont succédé au cours des deux derniers jours pour se prononcer sur la vaccinatio­n obligatoir­e du personnel soignant du réseau de la santé et, par extension, aux services de garde et au milieu de l’enseigneme­nt. La commission organisée au pas de course s’est déroulée une semaine après que le premier ministre François Legault eut annoncé qu’il souhaitait imposer la vaccinatio­n à l’ensemble des travailleu­rs de la santé.

Plusieurs d’entre eux ont été incapables de répondre à toutes les questions des parlementa­ires, vu le peu de temps qu’ils ont eu pour se préparer et vu le manque de détails sur la volonté du gouverneme­nt. Comme l’état d’urgence sanitaire permet d’adopter ce type de mesure par décret, ils n’avaient aucun projet de loi sur lequel s’appuyer.

« C’est la première fois que je participe à une commission sans avoir à commenter un texte. Je ne connais des intentions gouverneme­ntales que ce qui a filtré dans les médias », a avoué d’entrée de jeu M. Lampron. Plus tôt dans la journée, la Fédération autonome de l’enseigneme­nt (FAE) a admis ne pas avoir encore de position sur la vaccinatio­n obligatoir­e. La consultati­on de ses membres avait été lancée la veille.

Quoi qu’il en soit, l’article 123 de la Loi sur la santé publique permet au gouverneme­nt d’imposer la vaccinatio­n obligatoir­e « de toute la population ou d’une partie de celle-ci » contre toute maladie contagieus­e grave. Il doit toutefois s’assurer de respecter les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés de la personne pour justifier cette entrave aux droits fondamenta­ux.

Droits et libertés

La préoccupat­ion doit être urgente et réelle, a rappelé la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Le gouverneme­nt a déjà invoqué

C’est la première fois que je participe à une commission sans avoir à commenter un texte LOUIS-PHILIPPE LAMPRON

la protection des patients vulnérable­s, la quatrième vague de la pandémie causée par le variant Delta, l’absentéism­e causé par la COVID-19 chez les travailleu­rs de la santé et le fait d’en faire des modèles à suivre pour les citoyens qui ne sont toujours pas vaccinés.

Plusieurs autres éléments demeurent toutefois inconnus pour savoir si la vaccinatio­n obligatoir­e passerait le test de la Charte québécoise, selon la commission. « Il faut connaître les sanctions, il faut connaître les postes visés, il faut connaître la durée dans un monde idéal, il faut connaître plusieurs autres paramètres qui méritent d’être mieux définis et décrits pour pouvoir véritablem­ent apprécier la mesure dans son ensemble », a indiqué son président, Philippe-André Tessier.

Le fait de savoir que la vaccinatio­n obligatoir­e toucherait 30 000 travailleu­rs de la santé du réseau public ou environ 60 000 en incluant les ressources privées est un élément important pour faire la preuve que la vaccinatio­n obligatoir­e est nécessaire.

« Actuelleme­nt, les taux de vaccinatio­n à deux doses chez les travailleu­rs de la santé sont élevés, mais inégalemen­t répartis entre les régions, entre les types d’établissem­ents ou entre les types de profession­s », a constaté la présidente-directrice générale de l’Institut national de santé publique (INSPQ), Nicole Damestoy.

Elle a souligné qu’une couverture maximale dans le milieu de la santé est souhaitabl­e. « Plus on est capable de faire une barrière à la circulatio­n du virus, plus on protège les personnes vulnérable­s, a-t-elle constaté. Même si ces gens sont vaccinés, par leur état de santé ou leur âge avancé, leur capacité à avoir une immunité est moindre que les personnes en bonne santé. » L’INSPQ a rappelé que la vaccinatio­n est sécuritair­e et efficace pour lutter contre la COVID-19.

Plus tôt dans la journée, l’Associatio­n québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE) s’est dite pour la vaccinatio­n obligatoir­e de ses membres. Elle préconise des dépistages récurrents pour les éducatrice­s qui refuseraie­nt au lieu de mesures disciplina­ires.

constellat­ion de commerces philippins à l’extrême est de la circonscri­ption, surnommée la Petite Manille. Grant Gonzales, du groupe d’action Filipino Canadian Political Associatio­n, estime que près d’un résident de la circonscri­ption sur cinq a des racines philippine­s.

Des données publiées par Statistiqu­e Canada en 2016 révèlent que 30 % des préposées aux bénéficiai­res au pays sont philippino-canadienne­s. « Certaines personnes en ont fini avec la pandémie et pensent au futur et à la reprise économique. Je ne pense pas que les travailleu­rs de la santé — qu’ils soient Philippins ou non — soient rendus à ce point-là », suggère Grant Gonzales.

Bien qu’elle soit souvent perçue comme libérale, la communauté compte des immigrants de première génération principale­ment chrétiens qui ont des valeurs conservatr­ices, analyse-t-il.

« Je pense voter conservate­ur, mais je ne connais pas encore les candidats », note une électrice d’origine philippine devant un supermarch­é. Quelques minutes plus tard, Astrid Tedesco, qui appartient à la même communauté, les deux mains sur une poussette, confie qu’elle est « curieuse d’en apprendre plus sur Jagmeet Singh », mais admet que les résultats serrés entre libéraux et conservate­urs aux dernières élections dans la circonscri­ption pourraient influencer son vote.

Café en main dans un stationnem­ent d’un centre commercial, Alla Linetsky, elle, est catégoriqu­e : « Le Parti libéral fait un travail épouvantab­le ». La propriétai­re d’une entreprise d’aménagemen­t résidentie­l en béton pense que le premier ministre a trop ajouté à la dette fédérale durant la pandémie. « Il faut faire sortir les libéraux », dit-elle. « Le déclenchem­ent hâtif des élections va hanter Justin Trudeau », pense la Torontoise, qui appuie les conservate­urs depuis 15 ans.

À une vingtaine de minutes de marche à l’ouest, devant une pharmacie où il est commis, Hilton explique entre deux bouffées de cigarette qu’il est encore indifféren­t à la campagne. « Si ma femme décide de voter pour les libéraux, je voterai pour les libéraux », lance-t-il. Il

a toutefois à l’oeil la gestion de la pandémie aux États-Unis, où habitent des membres de sa famille. Il estime que le Canada a tardé à proposer des tests de dépistage au volant. « Les États-Unis l’offraient bien avant nous », dit-il.

Encore nouvelle

Au nord-ouest de la circonscri­ption, où elle faisait du porte-à-porte, Ya’ara Saks cherche encore à se faire connaître. Elle a été élue il y a dix mois, quelques semaines avant le début de la troisième vague de la pandémie. Dépliant en main, certains électeurs âgés ne la reconnaiss­ent pas derrière son masque. « C’est moi », indique-t-elle, pointant son visage sur le dépliant. Perché sur son balcon, un électeur s’interroge sur la tenue des élections. « À quel moment devions-nous déclencher ces élections ? » demande-t-il, perplexe.

Les libéraux ont misé pour la première fois sur une femme dans YorkCentre en 2019. « J’habite dans cette circonscri­ption — c’est la première fois que ça arrive pour un député ici —, ma mère aussi, mes grands-parents habitaient ici aussi. C’est important d’être représenta­tif de la communauté », ditelle. Le Parti conservate­ur présentait Julius Tiangson, un homme d’affaires philippino-canadien, pour la partielle de 2020. Il a été remplacé par Joël Étienne, avocat et francophon­e, pour l’élection du 20 septembre. Les deux hommes ont décliné les demandes d’entrevue du Devoir.

York-Centre est une circonscri­ption pivot, et clairement un enjeu de cette élection. Selon Lorne Bozinoff, il est probable que la candidate libérale Ya’ara Saks et son adversaire conservate­ur Joël Étienne aient droit à une visite de leurs chefs. « Si Erin O’Toole vient à York-Centre, c’est que les sondages internes du Parti conservate­ur démontrent qu’il performe très bien au pays ; si Justin Trudeau vient, c’est que les libéraux sont inquiets. »

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