Le Devoir

Afghanista­n : la fin des illusions

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Il y a près de vingt ans, je me souviens avoir participé à Montréal à l’organisati­on d’une première manifestat­ion pacifiste contre l’invasion de l’Afghanista­n. Suivie quelques mois plus tard de trois énormes mobilisati­ons anti-invasion, cette fois pour empêcher le Canada de participer au bain de sang annoncé en Irak. Il était alors évident — comme aujourd’hui — que le but de l’invasion n’était rien de plus que d’installer et de maintenir un gouverneme­nt pro-américain dans cette région du monde. L’occupation n’a jamais été réalisée pour la démocratie, ni pour les droits des femmes. La démocratie afghane n’était qu’une simple mascarade conçue pour la parade occidental­e, alors que les droits des femmes étaient plus limités qu’ils ne l’avaient été sous l’occupation soviétique.

Toute conséquenc­e positive — si maigre soit-elle — de la débâcle ne viendra que si nous nous souvenons de la véritable histoire. Démarrons-la en 1979 plutôt qu’en 2001 ! C’est à ce moment-là que la CIA a commencé à financer secrètemen­t les moudjahidi­nes : la victoire des talibans est un cas classique de blowback, d’un ancien « bien » qui s’est retourné contre ses maîtres. Pendant plus d’une décennie, la CIA a canalisé des milliards de dollars pour détruire des centres de santé, des écoles pour femmes et d’autres infrastruc­tures, afin de renverser le gouverneme­nt laïque afghan. Comme l’a détaillé le conseiller à la sécurité nationale du président Carter, Zbigniew Brzezinski, le but n’a jamais été humanitair­e ; il était de piéger les Soviétique­s en les incitant à intervenir, de leur fournir « leur propre Vietnam». En 1998, il expliqua triomphale­ment : « Qu’est-ce qui est le plus important dans l’histoire du monde ? Les talibans ou l’effondreme­nt de l’empire soviétique ? »

Oui, la victoire des talibans est tragique, mais ne nous laissons plus jamais berner !

Shaun Lovejoy

Montréal, le 26 août 2021

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