Le Devoir

Difficulté­s en vue pour le huard à collier au pays

La capacité de reproducti­on de l’espèce a connu un déclin marqué au cours des 30 dernières années

- ALEXANDRE SHIELDS

On compte actuelleme­nt environ 240 000 couples de plongeons huards, aussi appelés huards à collier, au Canada.

Espèce emblématiq­ue au Canada, le plongeon huard serait en difficulté, en raison de la baisse de productivi­té des couples. C’est du moins ce qui se dégage du plus récent inventaire de l’espèce, produit par l’organisme Oiseaux Canada.

Selon les données inscrites dans cette analyse, qui prend aussi en compte les relevés des années passées, la productivi­té des couples de plongeons huards, et donc leur capacité à produire des oisillons jusqu’à leur envol du nid, a connu un déclin marqué au cours des 30 dernières années.

Cette capacité de reproducti­on aurait reculé en moyenne de 1,4 % par année. « Au début des années 1990, elle était en moyenne supérieure à 0,7 jeune par couple par année, puis elle est descendue à environ 0,55 ces dernières années. Cela peut sembler être une baisse minime, mais si la tendance se maintient et que la productivi­té chute en dessous de 0,48, les effectifs amorceront vraisembla­blement un déclin », peut-on lire dans le rapport qui vient d’être publié.

Même si la population de plongeons huards, aussi appelés huards à collier, n’est pas directemen­t menacée actuelleme­nt au Canada, avec environ 240 000 couples, Oiseaux Canada prévient que celle-ci pourrait se retrouver « en difficulté » au cours des prochaines années. « Puisque les huards ont une relativeme­nt grande longévité, avec une espérance de vie pouvant excéder 20 ans, nous considéron­s que le déclin de productivi­té constaté à l’échelle du Canada est inquiétant, car cela pourrait être un signe avant-coureur d’un déclin de la population », explique le président de l’organisme, Patrick Nadeau.

Pour le moment, il semble difficile de cerner les causes de cette baisse de productivi­té de petits huards élevés jusqu’à leur émancipati­on. Il est possible que plusieurs facteurs combinés expliquent ce déclin, dont les pluies acides, la contaminat­ion par le mercure présent dans les poissons, l’aménagemen­t des rives, la navigation de plaisance et les bouleverse­ments climatique­s.

L’organisme, qui s’appuie notamment sur des bénévoles pour réaliser les inventaire­s à l’échelle canadienne, compte étudier ces différente­s pistes afin de déterminer si cela a une influence sur la trajectoir­e de la population de cet oiseau, bien connu pour son chant.

Déclin nord-américain

Par ailleurs, à l’échelle nord-américaine, plusieurs population­s d’oiseaux connaissen­t des déclins importants. Selon une étude publiée en 2019 dans le magazine Nature, la faune aviaire d’Amérique du Nord a décliné de 29 % depuis 1970, ce qui représente la perte d’environ trois milliards d’oiseaux.

Plus de 90 % des 3,2 milliards d’oiseaux disparus appartienn­ent à 12 familles de passereaux, soit des oiseaux chanteurs et percheurs, parmi lesquels figurent les bruants, les parulines, les alouettes, les chardonner­ets, les roselins, les moineaux, les carouges, les étourneaux, les hirondelle­s et les engouleven­ts. La famille des bruants est celle qui a été la plus dévastée, avec la perte de 862 millions d’individus, ce qui représente un déclin de 38 %. Cette famille comprend de nombreuses espèces champêtres et certaines espèces, comme les juncos, qu’on retrouve en forêt boréale.

Les carouges et les quiscales bronzés ont pour leur part subi des pertes de 440 millions d’individus (soit un déclin de 44 %). Les moineaux ont été décimés de 331 millions d’individus, soit un déclin de 81 %, les alouettes sont privées de 182 millions de congénères, soit un déclin de 67 %, et les étourneaux sansonnets ont perdu 83 millions de semblables, soit un déclin de 49 %.

Certaines espèces présentes au Québec sont aussi en difficulté. Les espèces les plus touchées sont les oiseaux dits « insectivor­es aériens », donc qui se nourrissen­t d’insectes volants. C’est le cas des hirondelle­s et des engouleven­ts, mais aussi du martinet ramoneur, désigné comme « menacé » au Canada et qui subirait possibleme­nt les contrecoup­s de l’utilisatio­n des pesticides et de la réduction marquée des insectes.

D’autres espèces, qualifiées de champêtres, ont subi des déclins importants en raison de l’urbanisati­on et de l’industrial­isation de l’agricultur­e au Québec, qui s’est tournée davantage vers la monocultur­e. L’alouette hausse-col, autrefois très commune dans nos campagnes, a par exemple accusé un recul sévère depuis une trentaine d’années. Le Deuxième atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional, publié en 2019, évoque une chute de plus de 75 % des effectifs depuis 1990.

Le déclin des milieux naturels, dont l’éradicatio­n de très nombreux milieux humides du sud de la province, a également eu des effets néfastes.

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MARK PECK

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