Le Devoir

Ne comptez pas sur le « 1 % »

- Renaud Brossard Directeur Québec, Fédération canadienne des contribuab­les

En matière de propositio­ns politiques, il est difficile de trouver plus populiste que l’idée d’une taxe sur les ultra-riches. Ça revient à mettre 100 personnes dans une salle et montrer l’une d’elles du doigt en disant qu’elle va donner de l’argent aux 99 autres. Il n’est pas difficile d’imaginer qu’une telle propositio­n soit populaire auprès de la vaste majorité des gens qui y sont assis.

C’est le calcul qu’ont fait le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratiq­ue lorsqu’ils ont opté pour l’inclusion d’un impôt sur la richesse dans leurs plateforme­s électorale­s. Bien que les partis en parlent comme d’un outil pour lever les fonds nécessaire­s pour financer leurs programmes, il y a fort à parier que cette politique risque de coûter très cher à tous, en échange de bénéfices minimes.

Le premier problème est au niveau de nos revenus d’impôt. Les individus les plus fortunés au pays sont aussi ceux qui ont les plus hauts revenus. Ce sont aussi ceux qui paient le plus d’impôt. Le 1 % le plus riche au pays paie plus de 20 % de tous les impôts que nos gouverneme­nts récoltent, soit un peu plus de 50 milliards de dollars par an.

Ce sont aussi les individus les plus mobiles. Une revue de littératur­e récemment publiée dans le Journal of Economic Perspectiv­es a compilé une douzaine d’études récentes sur le lien entre les taxes et l’émigration, et la conclusion est on ne peut plus claire : les individus les plus fortunés sont ceux qui risquent le plus de déménager à cause de changement­s dans les taux d’imposition.

La conclusion est plutôt logique. Si on envoie une énorme facture d’impôt sur les actifs chaque année, on incite les gens à déménager vers un État moins gourmand. Ultimement, c’est le reste d’entre nous qui est contraint de payer pour le manque à gagner que cela crée.

Exode

C’est notamment ce que l’on a pu observer avec la taxe sur la richesse en France. Entre 2000 et 2014, le pays a vu 42 000 millionnai­res émigrer pour des pays moins gourmands.

Selon une étude publiée par le professeur Éric Pichet de l’Université de Bordeaux, l’impact de cette migration s’est traduit en une perte de revenus d’impôts de sept milliards d’euros par an, soit près de deux fois les revenus tirés de ladite taxe.

Ce qui nous amène au second point : une taxe sur la richesse ne fera rien pour endiguer les problèmes de dépenses du gouverneme­nt fédéral.

L’an dernier, le Directeur parlementa­ire du budget estimait qu’une propositio­n de taxe de 1 % sur les actifs des contribuab­les les plus fortunés rapportera­it environ 5,6 milliards de dollars. C’est l’équivalent de ce que le gouverneme­nt fédéral dépense en quatre jours environ. Si on ajoute l’impact d’un exode de capital sur l’impôt sur le revenu, le gain pourrait fort bien se transforme­r en perte.

Le troisième problème est au niveau de son applicabil­ité. Si on dit communémen­t qu’il s’agit d’une taxe sur la richesse, ce qui est taxé en fait, ce sont les actifs. Cela signifie que, chaque année, vous devriez calculer la valeur de tout ce que vous possédez — maison, voiture, REER, CELI, etc. — afin de déterminer si vous dépassez un certain montant préétabli.

Pour certains actifs, en évaluer la valeur est plutôt simple. Votre portefeuil­le d’actions a beau fluctuer en valeur, il est possible d’établir à un moment précis combien celui-ci vaut.

Pour d’autres, c’est plus difficile. Si la valeur des parts dans une entreprise cotée en Bourse peut être évaluée en temps réel en fonction des transactio­ns d’achat et de vente de titres, il est beaucoup plus difficile d’évaluer la valeur d’une participat­ion dans une entreprise privée.

Si vous avez déjà regardé l’émission Dans l’oeil du dragon, vous avez sûrement pu remarquer que la valeur des propositio­ns d’acquisitio­n de participat­ion peut varier considérab­lement d’un investisse­ur à l’autre, puisqu’elle dépend non pas du succès actuel de l’entreprise, mais plutôt de leur estimation de son succès futur.

Et qui dit difficulté d’évaluation dit fort coût d’administra­tion au niveau de l’Agence de revenu du Canada, et plus grande facilité d’évitement.

Taxer les actifs n’est pas la solution à nos problèmes budgétaire­s. Si les partis fédéraux veulent vraiment réduire le déficit ou trouver un moyen de payer pour leurs promesses, c’est plutôt la colonne des dépenses qui devrait retenir leur attention.

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