Le Devoir

Dissension­s autour de la mémoire des victimes noires de lynchage

- BOB CHIARITO

Aux États-Unis, des initiative­s se multiplien­t pour honorer la mémoire d’Afro-Américains victimes de lynchages, comme Samuel Bush, accusé en 1893 d’avoir violé une femme blanche. Mais elles se heurtent à la résistance d’une partie du pays.

« Nous apprenons de nos erreurs passées pour que cela n’arrive plus », dit Rich Hansen, enseignant d’histoire qui fait campagne pour installer un monument en mémoire de Samuel Bush à Decatur, petite ville de l’Illinois.

Là-bas, il y a près de 120 ans, cet homme avait été tiré de force de la prison où il attendait son procès par une foule en colère, qui l’avait battu puis pendu. « Si notre nation veut surmonter sa division raciale, nous devons d’abord apprendre ce qu’il s’est passé et pourquoi c’est arrivé », explique l’enseignant.

Un an après le meurtre de George Floyd en mai 2020, qui avait déclenché une vague de manifestat­ions antiracist­es dans tout le pays, de plus en plus de projets visent à commémorer la mémoire des milliers d’Afro-Américains lynchés entre la fin de la guerre de Sécession et celle de la Seconde Guerre mondiale.

Un passé « horrible »

L’Initiative pour une justice équitable (Equal Justice Initiative), un groupe basé à Montgomery dans l’Alabama, a rassemblé les noms de 4400 victimes de lynchage entre 1877 et 1950. En 2018, elle a ouvert le Monument national pour la paix et la justice, où les noms de 800 d’entre elles sont gravés sur des plaques de métal.

L’Initiative travaille aussi avec des groupes locaux pour prélever de la terre des sites des lynchages et remplir des bocaux aux noms des victimes.

L’opposition peut parfois devenir violente, comme à Kansas City dans le Missouri, un État qui s’était rangé aux côtés des confédérés lors de la guerre de Sécession.

En juin 2020, au plus haut des manifestat­ions après la mort de George Floyd, des inconnus avaient décroché une plaque érigée deux ans plus tôt en mémoire de Levi Harrington, un Afro-Américain lynché en 1882 après avoir été faussement accusé d’avoir tué un policier.

Retrouvée, la plaque est désormais placée près d’un musée de l’histoire afro-américaine à Kansas City.

« Il est maintenant reconnu qu’être un homme blanc et avoir des privilèges de Blancs ne vous accordent plus une place spéciale dans la société, donc ils se battent contre ça », fait valoir la directrice du musée, Carmaletta Williams.

Les lynchages ne sont pas l’apanage des anciens États du Sud esclavagis­te.

À Duluth, tout au nord du Minnesota, qui faisait partie de l’Union pendant la guerre de Sécession, une place est consacrée à trois hommes noirs accusés de viol et battus à mort puis pendus en 1920.

Un siècle plus tard, George Floyd est mort asphyxié sous le genou d’un policier blanc à Minneapoli­s, dans le même État. « On a vu avec George Floyd que le racisme systémique et la violence [contre la communauté noire] sont encore présents », explique Avi Viswanatha­n, de la Société d’histoire du Minnesota basée à Saint Paul.

Selon lui, il ne faut pas « s’isoler des histoires de notre passé, car elles peuvent se répéter ».

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