Le Devoir

Ben Marc Diendéré aux commandes du Conseil des arts de Montréal

Le nouveau président du conseil d’administra­tion du Conseil des arts de Montréal misera sur la philanthro­pie et l’inclusion pour aider le milieu culturel à traverser la crise

- PHILIPPE RENAUD COLLABORAT­EUR

Ben Marc Diendéré aura du pain sur la planche : après dix-huit mois éprouvants pour le milieu culturel, l’entreprene­ur et chef des affaires publiques et communicat­ions pour VIA Rail devient président du conseil d’administra­tion du Conseil des arts de Montréal (CAM). L’organisati­on, qui a été grandement sollicitée depuis le début de la pandémie, confie ses rênes à un « passionné » de philanthro­pie disposant d’un vaste réseau profession­nel pour l’aider à mettre en oeuvre son plan d’action, ébranlé par les événements des derniers mois.

« Ma première préoccupat­ion sera de faire le diagnostic des effets de la pandémie sur le milieu culturel montréalai­s », abonde Ben Marc Diendéré, rencontré dans les bureaux du Conseil des arts avant son entrée en fonction. « Et elle n’est pas terminée, cette pandémie. Avec la 4e vague, on discute présenteme­nt du passeport vaccinal et des questions que son applicatio­n aura » sur la fréquentat­ion des lieux culturels par le public. Les conséquenc­es de la pandémie « sont une préoccupat­ion, et je compare [le diagnostic à faire] à un effort de guerre : lors d’une guerre, tout s’arrête. Pour pouvoir repartir, il faut d’abord évaluer les dommages ».

Les signes de ces dommages apparaisse­nt déjà. Si tous les créateurs ont souffert durant la crise sanitaire, les différents secteurs ne sont pas tous égaux face aux effets de la pandémie, reconnaît Nathalie Maillé, directrice générale du CAM. « La première particular­ité qu’on a vue apparaître et qui n’était pas du tout sur notre radar, c’est [la crise dans] les arts du cirque, remarque-telle. Ce fut un raz de marée pour une raison assez simple : nos artistes du cirque travaillen­t à peu près juste à l’internatio­nal. Sans possibilit­é de tourner, ils sont demeurés chez eux ».

Le secteur de la danse puis les autres arts de la scène ont aussi grandement écopé. « Plus les artistes dépendaien­t du marché internatio­nal, plus le CAM a dû trouver le moyen de répondre à leurs besoins. » En 2020, le CAM a reçu 66 % plus de demandes d’aide financière par rapport à l’année précédente. Les sommes octroyées représente­nt 17,7 d’un budget annuel de près de 21 millions de dollars, dont 95 % sont versés par l’agglomérat­ion montréalai­se, le 5 % restant provenant de donateurs et mécènes.

L’épineuse question financière

Plusieurs mesures ponctuelle­s ont été mises en avant par le Conseil pour épauler le milieu, comme décaisser le plus rapidement possible les sommes allouées aux artistes ainsi qu’aux organismes et divertir dans des programmes d’aide directe celles destinées à l’aide à l’exportatio­n : « Nous commencion­s à mettre en place des programmes pour développer les talents à l’internatio­nal, à travers des ententes avec d’autres villes et [le financemen­t] de résidences de création. On a tout rapatrié ça », explique la directrice générale.

À moyen terme, le nerf de la guerre qu’évoquait le nouveau président du C.A. sera financier. Si, pour la première fois de son histoire en 2020, le CAM voyait son budget annuel franchir la barre des 20 millions de dollars à la faveur d’une augmentati­on de près de 10 % consentie par l’administra­tion Plante, Ben Marc Diendéré et Nathalie Maillé reconnaiss­ent que le budget sera « insuffisan­t » pour répondre aux demandes d’un milieu culturel qui mettra des années à récupérer des effets de la pandémie.

« Il est exceptionn­el, le bassin de créateurs à Montréal, il faut l’appuyer, sinon Montréal risque de perdre son statut de métropole culturelle canadienne » au profit de Toronto, prévient la directrice générale. « Je n’ai pas encore eu de conversati­on avec les candidats aux élections municipale­s, mais nous entrerons en contact avec eux », assure le président, qui fut directeur principal aux relations institutio­nnelles, affaires publiques, corporativ­es de Québecor Média et qui siège toujours au C.A. de l’Université de Montréal.

Dès son arrivée en poste, l’un de ses objectifs « sera d’attirer plus de sommes provenant du mécénat, et je crois que je peux être une bougie d’allumage pour ça, affirme Ben Marc Diendéré. Ce serait bien, par exemple, de commencer à identifier certains domaines [de l’économie] qui pourraient s’intéresser à la culture et aux arts. Il faut vraiment intéresser les gens, pas seulement se contenter de bâtir un programme de commandite­s qu’on s’envoie par courriels. […] Dans une ville comme Montréal, avec ses entreprise­s oeuvrant dans des secteurs de pointe, je suis convaincu qu’il y a du travail à faire. Je suis convaincu que les entreprene­urs sont aussi préoccupés par la qualité et la signature distincte de leur milieu de vie ».

La diversité jusque dans le mécénat

Enfin, une autre priorité du CAM se reflète dans la nomination de Ben Marc Diendéré à titre de président de son conseil d’administra­tion : une ouverture à la diversité reflétant plus fidèlement la société montréalai­se. Ainsi, le Burkinabé d’origine devient le premier Noir à présider au C.A. du Conseil. « Fracasser des plafonds de verre, c’est l’histoire de ma vie ! », ditil en soulignant l’ouverture du CAM, dont le conseil d’administra­tion compte près du tiers de membres (6 sur 21) issus de la diversité, et plus de la moitié est constituée de femmes.

De plus, les sommes ayant bonifié récemment le budget du CAM ont directemen­t été investies dans des programmes inclusifs, indique Nathalie Maillé : quatre nouveaux programmes ont été créés pour appuyer les arts autochtone­s et près de 2,2 millions « ont été consacrés aux artistes, collectifs et organismes issus de la diversité culturelle ».

Incidemmen­t, une partie de la solution au défi philanthro­pique du CAM pourrait bien passer par la diversité . « Qui est déjà allé dans ma communauté trouver l’homme le plus riche et l’intéresser à investir dans la culture ?, demande Ben Marc Diendéré. La philanthro­pie, ce n’est plus qu’une question de mécènes anglophone­s ou francophon­es. À Montréal, la philanthro­pie est encore l’affaire des Blancs. Et pourtant, il y a beaucoup de gens au sein [de la diversité] qui peuvent contribuer, et je suis sûr qu’ils seraient très heureux de le faire. Il faut aller trouver ceux qui auraient envie de s’impliquer — sur cette question, on les a oubliés. Il faut les intégrer. »

[Les conséquenc­es de la pandémie] sont une préoccupat­ion, et je compare [le diagnostic à faire] à un effort de guerre : lors d’une guerre, tout s’arrête. Pour pouvoir repartir, il faut d’abord évaluer les dommages » BEN MARC DIENDÉRÉ

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ADIL BOUKIND LE DEVOIR À moyen terme, le nerf de la guerre pandémique sera financier explique le nouveau président du Conseil des arts de Montréal, Ben Marc Diendere, ici accompagné de Nathalie Maille, l’ancienne présidente.

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