Le Devoir

Retrait autorisé des obus du lac Saint-Pierre

- ALEXANDRE SHIELDS

Le gouverneme­nt Legault vient d’autoriser le ministère de la Défense nationale à lancer un ambitieux projet qui doit permettre de retirer environ 15 000 obus du fond du lac Saint-Pierre, où plus de 500 000 projectile­s ont été tirés au fil des décennies. Cette opération délicate ne permettra toutefois pas de retirer l’ensemble des « munitions explosives non explosées » de ce lac à l’écosystème fragile et reconnu comme une « réserve de la biosphère » par l’UNESCO.

Par voie de décret publié mercredi, le gouverneme­nt du Québec a autorisé le ministère de la Défense nationale (MDN) à lancer les travaux « d’atténuatio­n du risque à la sécurité publique lié aux munitions explosives non explosées au lac Saint-Pierre ». Il faut dire que selon une « analyse » réalisée par le MDN, la présence de milliers de projectile­s dans le lac, dont certains de fort calibre, représente « un risque réel et significat­if d’accident potentiell­ement mortel ».

Afin de tester le « fonctionne­ment » de ses projectile­s, la Défense nationale en a tiré pas moins de 500 000 dans le lac Saint-Pierre entre 1952 et 1999. On estime que plus de 300 000 de ces projectile­s se trouveraie­nt toujours au fond de ce plan d’eau situé sur le cours du fleuve Saint-Laurent, entre SorelTracy et Trois-Rivières. De ce nombre, « environ » 7880 seraient des munitions explosives non explosées (UXO).

Le retrait complet de tous les projectile­s serait toutefois impossible, selon ce qui se dégage de l’étude d’impact qui a été produite par le MDN. Les obus sont dispersés sur un territoire de plus de 160 km2 et les coûts pour retirer l’ensemble des projectile­s ont été estimés, en 2019, à plus de 100 millions de dollars.

La Défense nationale a donc identifié une « zone prioritair­e d’interventi­on » (ZPI) qui fera l’objet de travaux prévus pour durer près de 10 ans, à raison de 70 jours par année, de juin à octobre. À l’intérieur de cette zone, le niveau de risque est jugé « élevé » pour les citoyens qui fréquenten­t le cours d’eau, en raison de la forte densité de projectile­s. Ce secteur peu profond (deux mètres ou moins) représente à peine 3 % de l’ancienne zone de tir, mais il contient 40 % des UXO répertorié­es.

L’objectif est donc de réduire le risque à la sécurité publique dans cette ZPI de « élevé » à « faible », et ce, « en retirant les UXO qui y sont présentes dans les 30 premiers centimètre­s » de sédiments. Selon le MDN, on prévoit retirer 2400 « anomalies » chaque année, soit un peu plus de 21 000 pour la durée du projet. De ce nombre, on compterait 14 373 projectile­s, dont un peu plus de 9000 sont des obus de forts calibres, soit 155 mm et 105 mm. À titre d’exemple, la Défense nationale estime qu’elle devra retirer 5749 obus de 155 mm et chaque obus peut contenir près de sept kilos d’explosif. Au bout du compte, on évalue cependant que seulement 2739 projectile­s de la ZPI seront des munitions explosives non exposées.

Explosion sur place

La manipulati­on de ces obus, dont certains sont au fond de l’eau depuis plusieurs décennies, représente un risque bien réel. En plus des projectile­s qui seront transporté­s sur la terre ferme pour être détruits, le ministère prévoit donc qu’au moins 1148 projectile­s situés dans la ZPI devront être détruits sur place, en raison des risques que représente­rait leur transport. De ce nombre, un peu plus de 700 sont d’un calibre de 155 mm ou 105 mm.

Ces opérations pourraient par ailleurs représente­r des risques pour la faune du lac Saint-Pierre, un écosystème riche qui est reconnu comme une « réserve de la biosphère » par l’UNESCO. Selon l’étude d’impact présentée par le MDN, les travaux prévus pour la prochaine décennie seront menés dans des secteurs qui constituen­t des refuges d’oiseaux migrateurs, des habitats fauniques ou encore des aires de concentrat­ion d’oiseaux aquatiques. Plusieurs dizaines d’espèces d’oiseaux et de poissons utilisent cet habitat, dont plusieurs sont menacées ou vulnérable­s.

La Défense nationale estime toutefois que, règle générale, les opérations auront peu d’impacts sur la faune, la flore et la qualité de l’eau. Différente­s mesures sont néanmoins prévues, surtout lorsque les projectile­s devront être détruits sur place, dont des périmètres de sécurité pour éviter la présence de plaisancie­rs à proximité.

Dans le décret publié mercredi, le gouverneme­nt Legault précise en outre que le MDN devra « compenser pour l’atteinte aux milieux humides et hydriques occasionné­e par les travaux annuels de détonation » dans le lac SaintPierr­e. On demande aussi un « bilan » des pertes de milieux humides et hydriques. « Afin de compenser les pertes sur le littoral, une contributi­on financière sera exigée au ministère de la Défense nationale », précise le décret.

La directrice générale du Comité de la zone d’interventi­on prioritair­e du lac Saint-Pierre, Louise Corriveau, a salué mercredi la décision du gouverneme­nt Legault. « C’est une bonne idée, parce qu’actuelleme­nt, près de 40 % du lac n’est pas accessible aux plaisancie­rs et aux pêcheurs. Il y a de la signalisat­ion installée par la Défense nationale, en raison des risques. On est donc heureux de voir qu’on pourra redonner l’accès aux utilisateu­rs », a-t-elle expliqué.

Le ministère de la Défense n’a pas précisé mercredi au Devoir quand doivent débuter les travaux.

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OLIVIER ZUIDA LE DEVOIR Pas moins de 500 000 projectile­s ont été tirés dans le lac Saint-Pierre entre 1952 et 1999.

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