L’influenza s’invite à la pagaille
Avec le relâchement des mesures sanitaires, la saison de la grippe commence déjà
Depuis le déconfinement, les virus respiratoires se propagent au Québec. L’influenza vient maintenant de réapparaître après plus d’un an d’absence. Au moins une demi-douzaine de cas d’influenza ont été détectés aux urgences du CHU SainteJustine depuis le week-end dernier. Faut-il s’en inquiéter ? Le Dr Gaston De Serres est médecin-épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec et il traque le virus de la grippe depuis plus de 20 ans. Il répond aux questions du Devoir. Propos recueillis par Marie-Eve Cousineau. Les cas d’influenza se multiplient-ils au Québec ?
Le Laboratoire de santé publique du Québec fait la surveillance des virus respiratoires, et en particulier de l’influenza. La semaine dernière, le bulletin rapportait deux cas d’influenza (ce bilan ne tenait pas compte des infections recensées au CHU Sainte-Justine). C’était une première depuis plus d’un an.
C’était l’une des choses qu’on anticipait : que l’arrêt des mesures de précaution, qui étaient suivies de façon intense jusqu’au mois de juin, permette vraisemblablement aux virus respiratoires usuels de reprendre du service.
Effectivement, au cours des derniers mois, on a vu réapparaître ce qu’on appelle le virus respiratoire syncytial, un virus très présent chez les jeunes enfants et qui cause la bronchiolite. Il est en hausse depuis plusieurs semaines.
Là, on commence à revoir apparaître des cas d’influenza parce qu’on a déjà relâché nos mesures depuis un certain temps. C’est certain que la situation actuelle ressemble à une situation qui se rapproche du début d’une activité grippale normale.
Le pic de la saison de la grippe survient généralement de quatre à six semaines après que le virus a commencé à se manifester. Une vague d’influenza est-elle à prévoir dès octobre ?
Je ne m’attends pas à ce que le pic soit là dans quatre semaines, pas du tout. Maintenant, on est au début du mois de septembre. Qu’il y ait une activité grippale, je dirais, au mois de novembre, ça ne serait pas surprenant. Ça va dépendre beaucoup de ce qui va se passer avec les mesures non spécifiques dans la population, c’est-à-dire les restrictions [sanitaires en place] en ce qui a trait aux contacts, au port du masque, etc.
Ce qu’on sait pour l’influenza et les virus respiratoires en général, c’est que le moteur de l’épidémiologie pour ces virus-là, ce sont les jeunes enfants, à la différence de la COVID-19 qui touche moins les jeunes enfants. C’est sûr que les enfants dans les [centres de la petite enfance] et les enfants d’âge préscolaire n’ont pas beaucoup de contraintes [ils ne portent pas le masque, par exemple] et qu’ils sont susceptibles de contracter le virus de la grippe.
La saison grippale achève dans les pays de l’hémisphère sud, comme l’Australie. Comment cela s’est-il passé là-bas cette année ? Quelles conclusions peut-on en tirer ?
L’Australie a enregistré de 10 à 20 cas par semaine durant la période grippale. En 2017, ça a monté jusqu’à 25 000 cas par semaine. Dans le Cône Sud (Argentine, Chili, Uruguay), il n’y a pas de circulation, ou presque. La situation de l’influenza est directement liée aux mesures de précaution non spécifiques de chaque pays.
Au Québec, grâce aux mesures générales de santé publique qui persistent, la transmission va peut-être être moins élevée que celle qu’on aurait normalement, parce qu’il y a quand même toutes sortes d’activités pour lesquelles les gens continuent à porter un masque. À l’école, le port du masque est encore exigé.
La grippe risque-t-elle de frapper plus fort cet automne et cet hiver parce que la population n’a pas été infectée l’année dernière et n’a donc pas développé une certaine immunité contre le virus ?
On a comme sauté une année d’influenza. Souvent, quand on saute une année, il y a plus d’individus vulnérables et on risque d’avoir plus de transmissions.
Par exemple, en Australie, l’année 2016 a été tranquille et a été suivie par une grosse année. Ce qu’on peut penser, c’est que si l’Australie saute deux saisons, il va y avoir une grosse année [d’infections en 2022].
Est-ce que la transmission au Québec va entraîner plus d’hospitalisations cette année ?
Il est bien possible que les gens aient appris que, quand on a des symptômes d’infection respiratoire, ce n’est pas le temps d’aller voir ses grands-parents ou ses arrièregrands-parents [susceptibles d’être hospitalisés]. Avant la pandémie, les gens symptomatiques qui allaient visiter d’autres personnes, ce n’était pas rare.