ÉLECTIONS FÉDÉRALES
Offensive libérale contre Erin O’Toole
Le chef libéral, Justin Trudeau, a commencé l’avant-dernière semaine de campagne électorale en saisissant toutes les occasions qui se présentaient à lui, lundi, pour attaquer le chef conservateur, Erin O’Toole. En retour, ce dernier dénonce les attaques de son rival, inspirées selon lui des « politiques de division à l’américaine ».
Le Parti libéral du Canada a lancé samedi un microsite partisan, dont le titre pourrait être traduit par : « Ne les laissez pas faire reculer le Canada. » Il comprend un florilège de vidéos publicitaires en anglais sous forme de collages de propos passés d’Erin O’Toole, le tout sur une trame sonore dramatique. On y accuse le chef de « faire reculer » le pays sur différents enjeux, comme le privé en santé, les armes d’assaut ou l’avortement. La campagne est associée à une importante offensive publicitaire en Ontario sur les plateformes Facebook et Instagram.
En droite ligne avec cette stratégie publicitaire, Justin Trudeau a redoublé d’attaques envers son rival conservateur, lundi, lors de son arrêt pour la fête du Travail dans une usine d’acier à Welland, près de Niagara Falls en Ontario. Pour lancer cette nouvelle semaine de campagne, qui sera ponctuée de deux importants débats, le chef libéral a accusé Erin O’Toole de se plier à la frange « marginale d’extrême droite » de son parti et, plus généralement, de « manquer de leadership » sur une grande variété de sujets.
« On sait depuis longtemps qu’Erin O’Toole est très à l’aise de dire une chose à un groupe, et autre chose à un autre groupe. Parce qu’il va tout faire pour se faire élire », a-t-il par exemple lancé au sujet du changement de position du Parti conservateur sur les armes dites « d’assaut » durant la fin de semaine. M. Trudeau a avancé que les conservateurs courtisent le vote des opposants au vaccin par « la position un peu floue que M. O’Toole est en train de prendre par rapport à la vaccination », tout en faisant le lien avec les manifestants qui se sont déplacés aux événements libéraux en Ontario encore dimanche et lundi.
« Ce n’est pas juste à propos des vaccins, ce n’est pas juste à propos des armes. C’est aussi à propos de plus de profits dans les soins de santé […] C’est ne pas se tenir debout contre les climatosceptiques ou les lobbys du pétrole. C’est de céder face à ses députés ou aux groupes anti-choix sur les droits des femmes », a fait valoir Justin Trudeau.
Course plus serrée
Cette nouvelle intensité dans les attaques survient dans un contexte où les conservateurs talonnent les libéraux dans les sondages, rappelle le professeur de communication à l’UQAM Bernard Motulsky. L’agrégateur Qc125 publie même, depuis la fin août, une plus forte probabilité d’un gouvernement conservateur que libéral après le 20 septembre, même si de nombreux électeurs disent encore pouvoir changer d’avis.
En analysant le propos des nouvelles publicités libérales, le professeur Motulsky parle d’un ton « rarement utilisé au Canada », et qui s’apparente plus à ce qui se fait en marketing politique aux États-Unis. « Au Canada, les tentatives qui ont été faites n’ont jamais donné de bons résultats », croit-il.
« On cherche à modifier la marque O’Toole, qui, jusqu’à présent, semble performer assez bien et porter un message plus rassurant. La publicité négative, ça a pour but de noircir son adversaire. On n’est plus dans l’argumentation. »
L’ex-stratège libéral Sébastien Fassier nuance toutefois : ce genre d’argument a déjà donné un coup de pouce aux campagnes libérales passées, dit-il. « Des publicités de contraste, ce que les journalistes appellent des publicités négatives, il y en avait beaucoup qui avaient été utilisées en 2015 et en 2019. »
Maintenant vice-président de la firme de relations publiques TACT, M. Fassier remarque surtout que la campagne en ligne contre les conservateurs n’est pas menée en français. L’échiquier politique distinct du Québec rend les attaques contre les conservateurs moins efficaces, croit-il. « Ce genre de publicité là est fait majoritairement en ligne, ce qui permet de cibler des cohortes très particulières. »
Politique à l’américaine
Erin O’Toole a d’ailleurs accusé le chef libéral, Justin Trudeau, d’emprunter des tactiques dignes de la politique du sud de la frontière. « C’est fâchant de voir M. Trudeau […] importer des politiques de division à l’américaine, que ce soit sur les enjeux de santé, que ce soit en manipulant des médias, ou sur cela [les armes à feu] », a-t-il lâché, lundi, lorsqu’il a été questionné par les journalistes.
Le chef conservateur était de retour dans son studio d’Ottawa, où il a souligné la fête du Travail en annonçant sa promesse de doubler l’Allocation canadienne pour les travailleurs. Il a surtout eu l’occasion de répliquer aux critiques formulées à son endroit.
« La grande différence avec Justin Trudeau et moi est que je respecte les gens […] Cela veut dire respecter les opinions différentes », a-t-il indiqué quant à sa décision de ne pas imposer la vaccination contre la COVID-19 à ses candidats. Au sujet des armes à feu, il a comparé son approche « basée sur la sécurité publique, sans politique » à celle de Justin Trudeau, « [utilisée] pour diviser les communautés rurales contre les grandes villes, les chasseurs contre les non-chasseurs ».
Cette semaine sera déterminante pour le succès de la campagne de tous les chefs des principaux partis fédéraux, puisqu’ils auront deux occasions de croiser le fer lors de débats télévisés organisés par le Groupe de diffusion des débats, dont Le Devoir fait partie. Le rendez-vous est donné mercredi, à 20 h, en français, et jeudi, à 21 h, en anglais.