Le Devoir

Les paresseux, les hédonistes et les militants antivaccin­s : un manifeste de la colère

- Paul A. del Giorgio Professeur, Départemen­t des sciences biologique­s, Université du Québec à Montréal

Je suis vacciné et je suis en colère contre les paresseux qui ne se font pas vacciner parce qu’ils ne se soucient pas d’eux-mêmes ou des autres. Je suis en colère contre les hédonistes, ceux qui prétendent que leur corps est un temple si sacré qu’aucune substance impure ne doit y pénétrer.

Je suis particuliè­rement en colère contre les militants antivaccin­s et leurs croisades nihilistes et absurdes. Je suis fatigué de leurs théories et complots fous, et je suis indigné par leur banalisati­on du combat pour la liberté individuel­le.

Ce sont des révolution­naires de café qui n’ont aucune idée de ce que signifie vivre sans liberté et en oppression ; ils déforment et corrompent complèteme­nt les notions de solidarité communauta­ire, d’empathie et de responsabi­lité sociale.

Alors que tant de gens à travers le monde attendent désespérém­ent d’être vaccinés, alors que la maladie et la mort se répandent autour d’eux, nos paresseux, nos hédonistes, nos militants se permettent le luxe de refuser leur responsabi­lité sociale, et pas seulement ça, ils le font avec fierté.

C’est scandaleux, pourtant il faut être patient avec eux, les attirer avec des loteries, des prix, on nous dit de ne pas les critiquer, car c’est pire, il faut respecter leur espace et leurs sentiments. Je suis indigné.

Oui, je suis indigné et en colère, car leur refus signifie retarder la fin de la pandémie. Chaque jour, elle persiste, et c’est un jour de plus où notre système de santé est surchargé, où les patients ne reçoivent pas les soins dont ils ont besoin, et où tant de nos concitoyen­s ne reçoivent ni traitement ni diagnostic.

Chaque jour apporte plus de difficulté­s économique­s, et cela tombe sur les épaules des plus faibles. Leur refus les met en danger, mais met aussi en danger ceux qui se sont fait vacciner, puisque les non-vaccinés deviennent le terreau qui va pérenniser l’infection communauta­ire et que les vaccinés ne sont pas invincible­s, surtout ceux qui ont des problèmes de santé.

Chaque jour de pandémie augmente les chances de générer des mutations qui viendront à bout de l’immunité communauta­ire que nous avons si laborieuse­ment développée, puis le cauchemar recommence­ra.

Je suis en colère parce que les paresseux, les hédonistes, les militants antivaccin­s finiront par occuper un lit d’hôpital et être soignés par les mêmes infirmière­s et médecins surmenés et épuisés qu’ils ont ignorés, méprisés et même maltraités.

Je suis en colère qu’il y en ait tant qui soient prêts à produire et à diffuser tant de désinforma­tion toxique, et je suis découragé que notre société abrite tant de personnes prêtes, par ignorance, désespoir ou arrogance, à accepter cette désinforma­tion et à la tourner contre leur propre famille, leurs voisins et peutêtre eux-mêmes.

Je suis en colère parce que le reste d’entre nous ne peut apparemmen­t rien faire d’autre que regarder ces personnes générer des folies, remettre en question les valeurs fondamenta­les qui rendent nos communauté­s sûres et saines et exercer avec véhémence leur droit de manifester publiqueme­nt.

Inutile de dire que toutes les personnes non vaccinées ne sont pas paresseuse­s, hédonistes ou militantes : il y a une partie de l’hésitation et de la confusion qui semble fondée sur des problèmes de santé réels, l’anxiété ou un manque d’informatio­n correcte ou claire.

Je reconnais que l’informatio­n peut être accablante, mais la plupart d’entre nous avons accès à un médecin ou une infirmière ou à d’autres profession­nels de la santé qui peuvent nous guider pour prendre des décisions éclairées.

Ces gens qui hésitent ont certaineme­nt une responsabi­lité, ils devraient faire l’effort de s’informer.

Les paresseux, les hédonistes, les militants antivaccin­s ont le droit de refuser la vaccinatio­n, mais j’ai le droit d’être indigné et en colère, et je pense que nous devrions l’être. Cette colère, cependant, devrait être canalisée de manière positive, en tant que voix collective des citoyens soucieux du bien commun, qui s’opposent aux attitudes antisocial­es et qui rejettent de manière critique la désinforma­tion toxique et délibéréme­nt malveillan­te.

Les gouverneme­nts et les institutio­ns ont l’obligation d’établir des règles claires et fermes par rapport aux conséquenc­es du refus vaccinal, non pas comme punition, mais pour protéger la santé et les droits de la majorité de la population.

Nous devons collective­ment leur demander d’avoir le courage d’être à la hauteur des circonstan­ces, surtout que la quatrième vague a déjà commencé. Notre colère devrait également encourager le reste d’entre nous à être solidaires, en tant que citoyens responsabl­es et informés, pour contrer l’égoïsme social et l’ignorance et renforcer les valeurs qui rendent nos communauté­s plus fortes, plus saines, socialemen­t responsabl­es et généreuses, inclusives et empathique­s. Car cette pandémie n’est pas terminée, et la prochaine se prépare déjà.

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