Le Devoir

La pandémie ne peut expliquer une baisse de participat­ion aux scrutins

- Alain Gaudreault Directeur de communicat­ions gouverneme­ntales à la retraite, chargé de cours en communicat­ion publique et en administra­tion sociale

Même si plusieurs l’affirmeron­t, les politicien­s en premier, ce n’est pas la pandémie qui risque d’être la cause d’une baisse de la participat­ion électorale. La tendance est beaucoup plus lourde.

La déconnexio­n politique des citoyens est en baisse depuis quelques dizaines d’années. Élections fédérales, provincial­es et municipale­s, ce sont tous les processus électoraux qui sont affectés.

La participat­ion aux élections canadienne­s a chuté de manière continue, de 75 % en 1988 jusqu’à 59 % en 2008, pour légèrement remonter et se maintenir autour de 67 % lors des deux derniers scrutins.

Le portrait des élections au Québec suit la même tendance avec à peu près les mêmes chiffres: 66 % ont participé aux élections québécoise­s de 2018.

Sur le plan municipal, la situation est pire. Les taux de participat­ion sont bien inférieurs à ceux observés au fédéral et au provincial. Pour la moyenne des municipali­tés canadienne­s, ils dépassent rarement les 50 %.

Les quatre derniers scrutins municipaux au Québec font pire, avec une moyenne se maintenant autour de 45 %. La participat­ion diminue en proportion de la taille des villes et en fonction de leur caractère d’urbanité. 42 % de la population montréalai­se a exercé son droit de vote aux dernières élections.

Depuis plusieurs dizaines d’années, la baisse de participat­ion est particuliè­rement marquée chez les jeunes. Ils ne votent pas en aussi grand nombre que leurs aînés lorsqu’ils avaient le même âge. En 2017, 24 % des 18 à 25 ans ont voté à Montréal et en 2018, ce furent 38 % aux élections québécoise­s. Pourtant, ce sont eux qui devront vivre avec les décisions prises par les gouverneme­nts élus.

La participat­ion aux scrutins est un engagement civique fondamenta­l. C’est aussi une obligation morale et la démonstrat­ion d’une croyance véritable envers les processus associés à la démocratie. En constante baisse, la participat­ion est symptomati­que d’un déficit démocratiq­ue et d’un déclin d’obligation morale.

Certains l’expliquent par une faible confiance envers les institutio­ns. D’autres soulignent que le travail des gouverneme­nts est insatisfai­sant et peu pertinent aux attentes citoyennes.

Par exemple, l’évaluation des performanc­es pour les services à la communauté et la résolution des problèmes communauta­ires locaux est jugée majoritair­ement négative à la fin de 2019 par 71 % de la population.

Ce n’est guère surprenant. Avec de si bas taux de participat­ion aux scrutins et compte tenu des majorités qui dépassent rarement les 60 %, il faut conclure que les élus sont le choix d’à peine 20 % à 30 % de la population. Ils sont les représenta­nts d’une minorité et leurs politiques publiques peuvent difficilem­ent refléter une volonté populaire.

Les décisions politiques sont alors justifiées par un appel au bien commun, déterminé bien sûr en haut lieu ou, de plus en plus, par l’étiquette « science ». Qui peut affronter la science, même si ce n’est qu’une étiquette ?

Plusieurs affirmeron­t que telle est la démocratie et qu’il faut se plier à ses résultats. Mais le véritable résultat est que la perception générale mesurée de l’utilité des gouverneme­nts est négative. Ce qui provoque du scepticism­e, du cynisme et l’absence de motivation à voter.

Depuis plus de 30 ans, la démocratie est mise à mal par son déficit de participat­ion, de confiance et de pertinence des décisions publiques. La pandémie a le dos bien large, mais ne soyons pas dupes.

Si la participat­ion aux prochains scrutins est faible, elle n’en sera assurément pas la responsabl­e. Ce sera tout simplement la poursuite d’une lourde tendance vers le bas doublée d’un risque élevé de remise en question du sens de la démocratie.

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