Le Devoir

Bolsonaro s’en prend aux institutio­ns brésilienn­es et aux élections

- FLORENCE GOISNARD ET LOUIS GÉNOT RESPECTIVE­MENT À SAO PAULO ET À RIO DE JANEIRO AGENCE FRANCE-PRESSE

Haranguant une foule de dizaines de milliers de partisans mardi à Sao Paulo, le président brésilien Jair Bolsonaro a lancé que « seul Dieu » pouvait le chasser du pouvoir et a multiplié les attaques contre les institutio­ns et le système électoral.

« Nous voulons des élections propres, vérifiable­s, avec le comptage public des voix. Je ne peux pas participer à une farce comme celle que promeut le Tribunal supérieur électoral (TSE) », a dit le président d’extrême droite, à la foule jaune et verte de partisans massée sur l’avenue Paulista.

En appelant ses partisans à des manifestat­ions massives dans tout le pays à l’occasion de la fête nationale, Jair Bolsonaro voulait faire une démonstrat­ion de force, alors qu’il n’a jamais été aussi affaibli en près de trois ans de mandat.

Il est donné perdant face à l’exprésiden­t Luiz Inacio Lula da Silva pour l’élection d’octobre 2022, sa cote de popularité est au plus bas et il est fragilisé par de nombreuses enquêtes ouvertes à la demande de la Cour suprême contre lui.

L’opposition, bien que plus faiblement mobilisée, manifestai­t elle aussi, réclamant le départ d’un président accusé de menacer la démocratie, d’avoir géré pitoyablem­ent la crise de COVID19, ainsi que l’économie du pays : chômage presque record et inflation.

Présent en matinée auprès de ses partisans dans la capitale brésilienn­e, Jair Bolsonaro avait déclaré qu’une « nouvelle histoire » était en train d’être écrite au Brésil. « Votre soutien est indispensa­ble pour qu’on aille de l’avant. Je veux dire à ceux qui veulent me rendre inéligible à Brasilia : “Seul Dieu m’enlèvera d’ici !” » a-t-il insisté, ovationné par la foule aux cris de « Mito, Mito ! » (« le Mythe », son surnom).

Jair Bolsonaro risque en effet d’être déclaré inéligible en raison de ses attaques répétées contre le système de vote électroniq­ue en vigueur au Brésil depuis 1996. Il n’a cessé de dénoncer des fraudes, sans jamais en apporter la preuve.

Pour ses détracteur­s, ses critiques sont une stratégie pour pouvoir contester le résultat jusqu’au bout en cas de défaite l’an prochain, à l’image de l’exprésiden­t Donald Trump, qu’il admire.

Sur les pas de Trump

Ses partisans, eux, espèrent au contraire que Jair Bolsonaro ira encore plus loin : « Nous sommes ici pour dire que le président et l’armée doivent intervenir. Ce sont les seuls qui protègent notre liberté. À partir de ce 7 septembre, ils peuvent le faire », dit à l’AFP Valdivino Pereira, un ouvrier métallurgi­ste défilant à Sao Paulo.

« Ce qui est le plus inquiétant, ce sont ces discours du président contre des institutio­ns démocratiq­ues, notamment la Cour suprême, du jamais vu depuis le retour de la démocratie » après la dictature militaire de 1964-1985, déplore le politologu­e Mauricio Santoro.

En fin d’après-midi, alors que commençait à se vider l’Avenida Paulista, où 125 000 bolsonaris­tes s’étaient massés, selon des chiffres de la Sécurité publique, aucun incident majeur n’avait été déploré. Mais des journalist­es ont été molestés à Brasilia.

Plusieurs dizaines de manifestan­ts pro-Bolsonaro s’étaient rassemblée­s en matinée dans la capitale où la sécurité avait été renforcée, avec pas moins de 5000 policiers, pour éviter toute réédition de l’invasion du Capitole, en janvier dernier, à Washington.

La veille au soir, des centaines de bolsonaris­tes, à bord de camions, avaient brisé des barrières et pénétré dans l’avenue menant au Congrès et à la Cour suprême, qu’ils menaçaient d’« envahir ». Mardi, en fin d’aprèsmidi, des journalist­es ont été violemment pris à partie par des bolsonaris­tes.

« Ultimatum »

Arrivé dans l’après-midi à Sao Paulo après Brasilia, Jair Bolsonaro a prononcé un discours au ton martial. Il s’en est notamment pris à l’un des juges de la Cour suprême, Alexandre de Moraes, qui a ordonné l’ouverture d’enquêtes contre lui et son entourage, notamment pour disséminat­ion de fausses informatio­ns.

« Soit le chef de ce pouvoir [la Cour suprême] remet [Moraes] à sa place, soit ce pouvoir va subir des conséquenc­es dont personne ne veut », a-til déclaré. Des propos clairement menaçants, alors que Jair Bolsonaro avait déjà présenté cette journée de mobilisati­on comme un « ultimatum » contre la Cour suprême.

« Nous ne voulons pas de rupture. Nous ne voulons pas nous battre avec les autres pouvoirs. Mais nous ne pouvons pas permettre que quiconque mette en péril notre liberté », a-t-il ajouté, sous les applaudiss­ements des manifestan­ts enveloppés dans les drapeaux vert et jaune du Brésil.

Pratiqueme­nt aucun d’entre eux n’utilisait de masque, alors que, malgré l’avancée de la vaccinatio­n, la pandémie est loin d’être contrôlée dans un pays où plus de 580 000 personnes sont mortes de la COVID-19.

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PAULO LOPES AGENCE FRANCEPRES­SE Des milliers de Brésiliens sont descendus dans les rues à travers le pays mardi pour apporter leur soutien au président Bolsonaro à l’occasion de la fête nationale du Brésil.

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