Le Devoir

Le cerveau présumé des attaques du 11 Septembre devant la justice

- PAUL HANDLEY À GUANTANAMO AGENCE FRANCE-PRESSE

Le procès du cerveau présumé du 11 Septembre, Khalid Sheikh Mohammed, et de quatre autres accusés a repris mardi après 18 mois d’interrupti­on à la prison militaire de Guantanamo, mais son issue semble encore bien lointaine, alors que l’Amérique s’apprête à commémorer le 20e anniversai­re des attentats.

L’audience, présidée par un nouveau magistrat militaire, le colonel Matthew McCall, a été toutefois ajournée au bout de deux heures et demie en raison de questions procédural­es sur sa nomination. Il est le huitième officier à diriger les audiences.

La reprise du procès pourrait se faire mercredi, mais les débats risquent de ne pas débuter avant la semaine prochaine.

Khalid Sheikh Mohammed, surnommé « KSM », est entré sous escorte militaire dans la salle d’audience, coiffé d’un turban bleu assorti à son masque chirurgica­l qui cachait une longue barbe rousse grisonnant­e. Il s’est assis à une table couverte de documents, aux côtés de son avocat, comme le coaccusé Ammar al-Baluchi, aussi appelé Ali Abdul Aziz Ali et neveu de « KSM », ainsi que Walid bin Attash, Ramzi bin al-Shibh, et Mustafa al-Hawsawi.

Khalid Sheikh Mohammed a ensuite entamé une discussion animée avec Walid bin Attash, accusé de complicité dans la planificat­ion des attaques.

Ce dernier, qui portait un keffieh rose et une veste de camouflage beige, se déplaçait lentement à cause d’une prothèse remplaçant une jambe perdue en Afghanista­n en 1996.

Ramzi bin Al-Shibh, accusé d’être membre de la « cellule de Hambourg » réunissant les pirates de l’air, portait également une veste militaire sur son pantalon blanc en coton.

Ali Abdul Aziz Ali, qui aurait géré les transferts d’argent pour perpétrer les attentats, a révélé une courte barbe foncée en enlevant son masque. Il portait une coiffe du Baloutchis­tan, sa région d’origine du sud-ouest du Pakistan, et un habit traditionn­el.

Mustafa al-Hawsawi, qui aurait travaillé avec Ali Abdul Aziz Ali, portait un habit traditionn­el saoudien. Il était assis sur un fauteuil roulant médical, ses avocats affirmant qu’il souffre de blessures rectales infligées lors de ses interrogat­oires par la CIA.

Dans le public, séparé par une paroi de verre, figuraient des familles des 2976 victimes des attentats du 11 Septembre ainsi que des journalist­es.

Le tribunal militaire, qui siège dans la prison de la base navale américaine de Guantanamo, dans le sud-est de Cuba, a été placé sous haute sécurité, et la salle est entourée de grillages avec barbelés. Le protocole sanitaire est également strict après plusieurs cas positifs au coronaviru­s dans d’autres audiences.

Les cinq hommes, accusés de « meurtre » et d’« actes terroriste­s », risquent la peine de mort lors de ce procès.

Emprisonné­s depuis quinze ans, ils n’avaient plus comparu depuis le début de l’année 2019, avant que la pandémie de COVID-19 ne mette la procédure à l’arrêt.

Leur procès, qui relève d’une justice militaire d’exception, doit reprendre comme il s’est arrêté, avec une défense invoquant des actes de torture, lorsque les accusés étaient aux mains de la CIA, pour faire invalider la plupart des preuves avancées par les autorités américaine­s.

Et il pourrait s’écouler encore des mois, voire plus d’une année, avant que le procès n’entre dans sa phase vraiment décisive, au vu des très nombreux recours déposés par les avocats des accusés pour obtenir des pièces. L’un d’eux, James Connell, a même assuré qu’il ne « savait pas » si ce procès irait un jour jusqu’à son terme.

Montagnes de documents

La défense fait valoir que les accusés portent encore les séquelles des tortures infligées par la CIA, pendant leur détention dans les prisons secrètes de l’agence de renseignem­ent entre 2002 et 2006. Sans compter, selon leurs avocats, l’effet de quinze années d’emprisonne­ment dans des conditions de grand isolement.

La reprise du procès intervient quelques jours avant les commémorat­ions des attaques qui ont frappé les ÉtatsUnis il y a vingt ans.

Pour l’accusation, même si les interrogat­oires de la CIA devaient être invalidés, une condamnati­on des cinq hommes ne fait aucun doute.

Les procureurs assurent que les accusés ont fourni des preuves solides pendant les interrogat­oires menés cette fois par le FBI, la police fédérale, en 2007 après leur arrivée à Guantanamo. Mais la défense estime que le FBI a participé aux actes de torture de la CIA et usé de techniques d’intimidati­on, rendant ses interrogat­oires tout aussi douteux.

« N’ayez aucune illusion, ces hommes ont été emmenés à Guantanamo pour couvrir des actes de torture », plutôt que d’être présentés à la justice américaine ordinaire, a dit James Connell, qui défend Ammar al-Baluchi.

La défense réclame des montagnes de documents confidenti­els que le gouverneme­nt refuse jusqu’ici de livrer, que cela concerne le programme de torture, les conditions de détention à Guantanamo ou la santé des accusés. Elle veut aussi entendre des dizaines de témoins supplément­aires, en plus des 12 ayant déjà défilé devant la juridictio­n militaire, notamment deux hommes ayant supervisé le programme d’interrogat­oires de la CIA.

Newspapers in French

Newspapers from Canada