Le Devoir

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Pilote d’avion depuis plus de 20 ans, Manuel Zerlauth amenait jusqu’à l’an dernier des voyageurs québécois vers des destinatio­ns soleil. Il a transporté ses derniers passagers le 6 avril 2020.

Ces 17 derniers mois, le pilote de ligne a pu recevoir une partie de son salaire grâce au programme de subvention salariale, qui a pu être jumelé à la PCRE, qui offrait 1000 $ par période de deux semaines et qui offre maintenant 600 $. Malgré tout, il a dû effectuer de petits boulots, comme des livraisons pour Uber, afin de payer ses dépenses courantes. « J’ai dû piocher dans mes économies, admet-il. Sans ça, j’aurais dû déménager dans un autre quartier. »

C’est que le budget de M. Zerlauth compte certaines dépenses fixes que son salaire de pilote lui permettait d’avoir : un logement à Outremont, une voiture louée, l’école privée de sa fille adolescent­e. « On veut bien couper, mais ce n’est pas toujours possible. L’entreprise qui me loue ma voiture, par exemple, ne permet pas de briser le contrat. Et les loyers ont augmenté dans le quartier, dit-il. Est-ce que j’ai envie de dire à ma fille qu’elle doit changer d’école ? »

Il s’estime quand même plus chanceux que certains de ses collègues, qui ont par exemple dû vendre leur maison.

D’un mois à l’autre, il espérait que les vols internatio­naux redécollen­t. Et bien que la compagnie aérienne qui l’employait ait annoncé leur retour cet été, la remontée des cas de COVID-19 lui a mis du plomb dans l’aile : il y a deux semaines, M. Zerlauth et de nombreux collègues ont été mis à pied de façon définitive, puisque la SSUC a pris fin pour les employés en congé payé. Il affirme qu’il devra maintenant se tourner vers l’assurance-emploi, qu’il juge moins avantageus­e que la PCRE s’il souhaite boucler son budget avec de petits boulots.

Dans l’impasse, M. Zerlauth se demande maintenant s’il doit changer de carrière. « À 54 ans, on peut changer de job. Mais [le métier de pilote], c’est ce que j’aime faire, ce dans quoi j’ai de l’expérience. »

Le pilote croit que le gouverneme­nt devrait prolonger son aide aux travailleu­rs et aux entreprise­s de certains secteurs d’activité. Plusieurs compagnies aériennes canadienne­s, de même que des syndicats du secteur, réclament d’ailleurs le maintien de la subvention salariale d’urgence jusqu’au véritable retour à la normale. Air Transat, par exemple, ne compte présenteme­nt que 30 % de ses effectifs d’avant la pandémie ; chez Air Canada, ce taux est d’environ 50 %.

Est-ce que j’ai envie de dire à ma fille qu’elle doit changer d’école ?

MANUEL ZERLAUTH

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MARIE-FRANCE COALLIER LE DEVOIR Manuel Zerlauth

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