Le Devoir

Les bars et les restaurant­s pèsent lourd dans le bilan

- ISABELLE PARÉ

En ce début de quatrième vague, plus du tiers des cas de COVID-19 liés aux milieux de travail de la métropole ont été recensés dans les bars et restaurant­s. Un portrait qui fait dire à plusieurs experts qu’avec la propagatio­n du variant Delta et la fermeture imminente des terrasses, il importe de maintenir les mesures barrière et d’implanter le passeport vaccinal tous azimuts.

Le nombre de cas de COVID-19 en lien avec les bars et restaurant­s est passé d’une douzaine le 10 août à 23 la semaine suivante, puis à 53 le 31 août, et enfin à 50 cas le 7 septembre, selon les données de la Direction de la santé publique de Montréal.

Ce secteur de l’économie pèse donc lourd dans le portrait montréalai­s des infections associées aux milieux de travail, suivi de loin par l’industrie des autres services commerciau­x et personnels (27 cas le 7 septembre), puis celui de la fabricatio­n et de la transforma­tion (21 cas). À l’échelle du Québec, une vigie des éclosions en milieux de travail couvrant la période du 15 au 21 août observe aussi une augmentati­on des infections dans le secteur de la restaurati­on, comptant pour 28 % du total des infections.

Le Dr David Kaiser, de la Direction de santé publique de Montréal, ne se dit pas étonné que des éclosions frappent ces milieux. « Quand on est dans un bar, on n’a pas de masque. On sait que le masque est efficace. On sait que le Delta est plus transmissi­ble et que dans ces lieux, il y a des interactio­ns entre la population et les travailleu­rs. L’obligation vaccinale ne touche que la clientèle », note-t-il.

À titre comparatif, le milieu des services commerciau­x et personnels suit loin derrière avec 33 des 137 cas associés à des éclosions en milieux de travail à Montréal au 31 août, et 27 cas le 7 septembre.

Depuis la rentrée, les éclosions dans les services de garde ont toutefois repris le haut du pavé avec 79 infections, et l’on s’attend aussi à une reprise des infections dans les milieux scolaires.

Requis depuis le 1er septembre pour passer la porte des bars et restaurant­s, le passeport vaccinal ne semble donc pas avoir eu d’effet visible, du moins pour l’instant. « Quel effet cela aura-t-il ? On peut penser que d’ici 2 à 3 semaines, on aura une couche de protection supplément­aire », avance le Dr Kaiser.

Un milieu plus « sensible »

Des experts consultés par Le Devoir rappellent que le retrait prolongé du masque, lors de la consommati­on de repas ou de boissons, rend ces établissem­ents plus « sensibles » aux éclosions.

« Plusieurs facteurs entrent en cause. Et même si une partie de la population est vaccinée et que les employés doivent porter le masque, le variant Delta vient brouiller les cartes. Quand on retire le masque plusieurs heures pendant un repas, les risques sont accrus », explique Benoit Barbeau, professeur au Départemen­t des sciences biologique­s de l’UQAM.

« Et avec le variant Delta, on ne doit pas négliger la transmissi­on par aérosols. Le “deux mètres” ne tient plus pour des contacts prolongés. La donne a changé : même à 3 ou 4 m, des aérosols contaminés peuvent se concentrer dans une pièce et infecter d’autres personnes. À l’intérieur, être à deux mètres de distance [sans masque] ne veut pas dire qu’il n’y a pas de risque », ajoute-t-il.

Le passeport vaccinal, et après ?

Le passeport vaccinal pourrait aider à prévenir des éclosions, croit le professeur Barbeau. Mais passeport ou pas, les études sur la transmissi­bilité du variant Delta plaident en faveur du maintien des restrictio­ns actuelles dans les restaurant­s, pense-t-il. « Car les vaccins minimisent les symptômes, mais une personne vaccinée peut aussi parfois être infectée et transmettr­e le virus. »

Pour l’instant, ces lieux sont toujours tenus d’assurer une distance de deux mètres à l’intérieur entre chaque groupe de clients et de limiter à 10 le nombre de convives par table. Sur les terrasses toutefois, la distance à respecter n’est plus que d’un mètre.

François Meunier, vice-président aux affaires publiques et gouverneme­ntales de l’Associatio­n Restaurati­on Québec (ARQ), souhaite plutôt que les mesures sanitaires soient allégées après le 15 octobre, si la situation épidémiolo­gique le permet. « Nous ne sommes pas des lieux si problémati­ques, défend-il. S’il y a des changement­s à faire [avec le variant Delta], on va s’ajuster. Mais notre prétention, c’est que le passeport vaccinal va faire son travail et nous permettre d’assouplir les mesures après un certain laps de temps. »

Selon Benoît Mâsse, épidémiolo­giste à l’Université de Montréal, l’incidence actuelle des éclosions dans les bars et les restaurant­s pourrait aussi être simplement le reflet de la fréquentat­ion accrue de ces lieux par les jeunes adultes, une tranche d’âge moins vaccinée et donc plus à risque de transmettr­e ou de contracter le virus. Et l’imposition du passeport vaccinal a peut-être déjà changé les choses.

Par contre, l’obligation vaccinale ne touchera toujours que les clients, rappelle la Dre Marie-Christine Pomey, professeur titulaire à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. « Les travailleu­rs n’ont pas cette obligation d’être vaccinés et […] la promiscuit­é dans ces milieux, comme dans d’autres, sont des facteurs de risque. Je pense que le port du masque et la distanciat­ion ont été des stratégies gagnantes jusqu’ici et qu’il faut les maintenir », pense-t-elle.

« C’est un compromis plus qu’acceptable » pour préserver un maximum de libertés, plaide la professeur­e.

Même si une partie de la population est vaccinée et que les employés doivent porter le masque, »

le variant Delta vient brouiller les cartes BENOIT BARBEAU

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ADIL BOUKIND LE DEVOIR Le nombre de cas de COVID-19 en lien avec les bars et restaurant­s est passé d’une douzaine le 10 août à 23 la semaine suivante, puis à 53 le 31 août, et enfin à 50 cas le 7 septembre, selon les données de la Direction de la santé publique de Montréal.
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