Le Devoir

La boîte à lunch, une bénédictio­n pour Mélanie Magnan

- SOPHIE GRENIER-HÉROUX COLLABORAT­RICE

Qui dit rentrée scolaire dit lunchs à préparer. Et pour bien des parents, cette tâche vient avec une certaine lassitude. À l’inverse, la nutritionn­iste Mélanie Magnan est une passionnée de boîtes à lunch : elle en a même fait la signature de son entreprise, Nutrimini. Ils sont des dizaines de milliers à suivre ses conseils sur les réseaux sociaux et à lui faire part de leurs difficulté­s. Un engouement si grand qu’il a mené Pratico Édition à regrouper ses trucs et recettes dans un livre intitulé Boîte à lunch.

Au bout du fil, Mélanie Magnan n’en revient toujours pas. Sorti à point nommé pour la rentrée, son premier ouvrage était déjà en rupture de stock ; des palettes de livres sont attendues aux quatre coins de la province. Depuis une dizaine d’années, la maman de deux garçons oeuvre à la promotion de saines relations entre les tout-petits et la nourriture. « Accompagne­r les enfants, être dans le plaisir : je suis au bon endroit et j’aide de la bonne façon », dit-elle.

Très active sur Instagram, où elle partage 1001 suggestion­s, la nutritionn­iste reçoit souvent des témoignage­s de ses abonnés. Des échanges qui lui ont permis de mieux comprendre ce que vivent plusieurs parents quand vient le temps de faire des lunchs pour l’école. Et des conséquenc­es que ces problèmes pouvaient avoir chez les enfants.

« J’ai commencé à faire des lunchs quand mon grand est rentré à l’école, il y a deux ans. J’avais des idées de grandeur, avec des repas à la Pinterest qui étaient beaucoup trop exigeants. Je me suis rendu compte que moi, je le faisais par plaisir, mais que ce n’était pas ça, la vraie vie. Ça mettait peutêtre de la pression aux autres parents et ce n’est pas du tout ça que je voulais faire », raconte-t-elle.

Depuis, la nutritionn­iste a déterminé les deux grands éléments qui compliquen­t la préparatio­n des boîtes à lunch : le manque d’idées et les politiques alimentair­es à géométrie variable des écoles.

Des obstacles de plus

D’ailleurs, selon l’experte, il y a un lien évident entre l’inspiratio­n en panne et une applicatio­n trop zélée de la Politique-cadre pour une saine alimentati­on déposée par le gouverneme­nt québécois en 2009.

Si ces mesures visent essentiell­ement l’offre alimentair­e des écoles — la malbouffe à la cafétéria ou dans les machines distributr­ices, par exemple — , elles s’appliquent parfois aussi à la boîte à lunch, tout dépendant des écoles. « Je reçois des messages de parents qui me disent : “j’avais fait des muffins et ma fille n’a pas pu manger le sien parce que [l’établissem­ent scolaire accepte] seulement des fruits ou des légumes en collation”. Des écoles vont même jusqu’à interdire les yogourts parce que ça peut faire des dégâts », relate Mélanie Magnan.

« Je ne suis vraiment pas contre la promotion d’une saine alimentati­on à l’école, ça fait partie de l’éducation. Par contre, je ne pense pas qu’interdire des aliments, c’est la bonne façon de le faire. On catégorise les aliments, on stigmatise les enfants et ce n’est pas ce que l’on souhaite. » On ajoute aussi du même coup des obstacles aux parents dans leur course aux bons lunchs, se désole-t-elle.

« Les parents, ce sont eux qui ont la vision globale de l’alimentati­on de leur enfant. Un petit coco qui ne déjeune pas le matin et qui se fait dire qu’il a seulement le droit de manger des carottes à la collation d’avant-midi, il ne pourra pas se concentrer. C’est un peu de l’ingérence d’aller jouer là-dedans », souligne la nutritionn­iste.

Pour Mélanie Magnan, il faut aussi revoir tout le contexte des repas à l’école. Certains établissem­ents ne donnent pas assez de temps aux enfants pour manger ; d’autres les forcent à finir leur repas. À certains endroits, on fait manger les élèves devant un film pour ménager le personnel de surveillan­ce débordé. Tous des éléments qui brouillent le rapport des jeunes à la nourriture, en plus de chambouler les parents qui tentent de répondre aux exigences de l’école et de leur enfant, note-t-elle.

Heureuseme­nt, des formations sont données pour mettre de meilleures pratiques en place ; la nutritionn­iste salue d’ailleurs l’initiative.

Le manque d’idées

Et côté inspiratio­n ? De l’avis de Mélanie Magnan, il faut prioriser les restes du souper. « C’est ça qui est le moins compliqué : […] se préparer quelque chose à partir des restes du souper, comme le classique sandwich au poulet. » Et, à ses dires, les mets préparés d’avance et congelés dans des moules à muffins font fureur. Jumelés au thermos, ils forment un duo de choix, avance la nutritionn­iste.

« Pour les parents en panne d’idées, je conseille le lunch pique-nique. Des craquelins avec un oeuf à la coque, des morceaux de concombres, des fruits, un yogourt, par exemple. C’est facile à faire. On peut s’asseoir avec notre enfant et lui demander : c’est quoi tous les fruits et légumes que tu aimes ? Puis, on fait la même chose pour les protéines. Ça nous fait des banques d’idées », poursuit Mme Magnan.

Elle répète qu’il faut faire confiance aux enfants et à leur instinct et, surtout, éviter de leur mettre trop de pression. « Ils sont en train d’apprendre à manger, ils développen­t leur goût. Le plus important, c’est de continuer à offrir des aliments, même si l’enfant ne les mange pas. Et mettez au moins un aliment que votre enfant aime dans sa boîte à lunch, ça va le sécuriser », conseille Mélanie Magnan.

Par-dessus tout, la nutritionn­iste veut rassurer les parents. « Vous n’êtes pas tenu à la perfection, loin de là. Il faut s’enlever de la pression. La job, ce n’est pas de faire manger votre enfant parfaiteme­nt, c’est de lui offrir à manger. »

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Boîte à lunch.
AUDRÉE ROBICHAUD Mélanie Magnan, nutritionn­iste, fondatrice de Nutrimini et autrice du livre Boîte à lunch.

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