Le Devoir

Belle journée de septembre à l’ONU…

- André Sirois Avocat auprès de l’ONU

11 septembre 2001. Dans l’autobus qui m’amène au siège de l’ONU à New York, un passager m’apprend qu’un avion vient de frapper le World Trade Center (WTC). Je vois au loin un immense arc de fumée au-dessus de la 2e Avenue. Les passagers sont nerveux et tous au téléphone.

À l’ONU, les gardiens nous laissent entrer, mais nous interdisen­t de monter à nos bureaux. Le hall de réception est plein à craquer. Il vaut mieux sortir.

Dehors survient un avion qui remonte au-dessus de l’East River, contrairem­ent aux règles de sécurité. Mes collègues lèvent la tête et suivent l’avion d’un regard inquiet, la bouche ouverte.

Un collègue m’apprend que la deuxième tour du WTC a été attaquée. Et il y aurait une autre attaque à Washington. Nous sommes sidérés et désemparés. Personne ne réagit, faute de savoir quoi faire. Il ne semble plus y avoir de gouverneme­nt.

Certains se demandent si nous n’allons pas bientôt recevoir des ordres d’une force d’invasion. On sent une forte odeur de fumée. On respire déjà la poussière blanche de l’effondreme­nt des tours, ce qui provoque de la toux et des haut-le-coeur.

Plusieurs rentrent à la maison. J’en fais autant, à pied. La 1re Avenue est remplie de piétons qui viennent du site de l’attentat et qui montent vers le nord. On ne voit aucun policier.

Il me semble évident que, dans une telle attaque, il doit y avoir eu des ardes

À la télé, certaines chaînes présentent des images des tours où l’on voit tomber ceux qui se sont jetés des fenêtres du World Trade Center ou en ont été poussés

mes chimiques. Je me souviens d’avoir lu qu’un simple pot d’un de ces poisons exterminer­ait toute la population de New York et de la côte est. Comme nous toussons déjà, je m’attends à ce que certains tombent. Cela demeure pour moi un des mystères de cette attaque : qu’il n’y ait eu aucune arme chimique dans les avions.

Je me dirige vers chez moi en me demandant quoi faire. Prendre mon passeport. Mais ensuite ? Continuer vers le nord, puis tenter de faire de l’auto-stop vers Montréal ? Attendre pour voir la suite ? Rendu chez moi : moment de flottement. Je tente de joindre ma famille et mes amis. Sans succès. Ils sont tous au téléphone.

Télévision

Dans les bars, les employés ont posé une télé sur la tablette de la fenêtre, face à la rue, afin de permettre aux passants de suivre les événements. Le fait que la télévision ait fonctionné a grandement contribué à rassurer la population et à maintenir le calme dans cette tragédie.

De retour à la maison, à la télé, certaines chaînes présentent des images tours où l’on voit tomber ceux qui se sont jetés des fenêtres du WTC ou en ont été poussés. On les voit flotter, très doucement, il me semble. D’autres chaînes ont choisi de les effacer et de ne présenter qu’un ciel clair.

Je décide d’aller au bar d’un hôtel près de chez moi, le Carlisle. Mon expérience de missions dangereuse­s de l’ONU m’a appris que, dans de tels cas, c’est vers les grands hôtels que sont envoyés les premières mesures de protection et les premiers secours.

Ailleurs, dans la soirée, dans les rues transversa­les, bien tranquille­s, un spectacle inoubliabl­e : au pied de chacun des arbres bordant les trottoirs, des masses de petits lampions. De même que sur les marches des églises et des temples.

Des héros ? Il y en a eu beaucoup. C’est une journée d’héroïsme. Les premiers, c’est sûrement les pompiers qui sont montés dans les tours, vers une mort quasi certaine. Un cas extraordin­aire de générosité, de sens du devoir et de l’honneur.

Un autre héros, méconnu, le responsabl­e de la station de métro du WTC qui, constatant un problème, a retenu la rame qui venait de se vider, a ordonné aux passagers de remonter dans le train et les a sauvés, puis s’est appliqué à détourner les autres rames.

Autres héros, les responsabl­es d’une école tout près du WTC qui sont arrivés à vider leur école et à emmener tous leurs écoliers et leurs professeur­s à pied jusqu’à Brooklyn, de l’autre côté du pont qui se trouve là, sans perdre personne. Pour tous, une journée à jamais gravée dans la mémoire.

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