La facture de la scolarisation des réfugiés sera envoyée à Ottawa
Plus de 200 classes d’accueil ont été ouvertes au Québec malgré une pénurie d’enseignants qui atteint des sommets
L’arrivée importante de réfugiés, notamment par le chemin Roxham, met le réseau scolaire sous pression. Pas moins de 224 nouvelles classes d’accueil, visant à franciser ces enfants, ont été ouvertes dans les écoles du Québec depuis le début de l’année scolaire. Le gouvernement Legault compte envoyer la facture à Ottawa.
Ces élèves supplémentaires amplifient la pénurie d’enseignants, qui atteint un sommet au Québec. Un total de 4783 professeurs du primaire et du secondaire ont le statut de « non légalement qualifiés », selon les plus récentes données du ministère de l’Éducation transmises au Devoir.
« Il n’y a pas de compromis à faire sur l’accueil des élèves réfugiés. Ces enfants-là, on les scolarise », a dit jeudi en entrevue le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville.
« Ce n’est pas aux enfants de payer pour les conditions difficiles qui les ont amenés chez nous, ajoute-t-il. On va s’en occuper, et très bien. Mais il faut reconnaître que ça met de la pression sur nos ressources humaines et sur les espaces disponibles pour les classes. On étire au maximum nos ressources. »
Le coût de la scolarisation des élèves réfugiés « va faire partie de la réclamation qu’on va formuler » au gouvernement Trudeau pour l’arrivée de réfugiés par le chemin Roxham, a précisé Bernard Drainville. Au moment où ces lignes étaient écrites, le ministère de l’Éducation tentait d’évaluer l’ampleur de la somme.
Le nombre de classes d’accueil dans le réseau public a bondi de 704 à 928 depuis le mois de juin 2022 — une hausse de 32 %. La grande région de Montréal est la plus touchée : la hausse du nombre de classes réservées aux nouveaux arrivants varie entre 13 % et 48 % dans les trois centres de services scolaires francophones de l’île. L’augmentation du nombre de classes d’accueil est de 32 % à Laval et de 34 % au Centre de services scolaire MarieVictorin, à Longueuil.
« Idéalement, il faudrait trouver une solution au chemin Roxham. Il faut que M. Trudeau s’en occupe », dit Bernard Drainville.
Freiner la pénurie
Le ministre de l’Éducation a aussi amplement de quoi s’occuper avec la pénurie d’enseignants, qui atteint une proportion rarement ou jamais vue. À cause de la pénurie de personnel, 4783 enseignants n’ont pas le brevet normalement nécessaire pour se trouver devant une classe de niveau préscolaire, primaire ou secondaire.
Pour regarnir les rangs de la profession, Bernard Drainville exclut de rendre gratuit le baccalauréat en sciences de l’éducation — une solution hors de l’ordinaire proposée par un syndicat d’enseignement. « La gratuité n’est pas au programme », dit le ministre de l’Éducation.
Les étudiants en enseignement ont droit à des bourses de 5000 $ par année, soit 20 000 $ pour le baccalauréat de quatre ans. Cette aide peut atteindre 30 000 $ pour les bénéficiaires d’une bourse d’excellence, souligne le ministre.
Accès à la profession
Il mise sur une nouvelle voie rapide d’accès à la profession, un programme de 30 crédits destiné aux aspirants enseignants qui détiennent un baccalauréat dans une matière enseignée à l’école, comme l’histoire, le français ou les mathématiques, par exemple.
Ce programme est encore plus court que la maîtrise qualifiante de 60 crédits déjà au programme des facultés des sciences de l’éducation. Ce programme de maîtrise est « trop lourd, trop long et ne correspond pas aux besoins des futurs enseignants », soutient-il.
« Il va falloir prévoir une passerelle » pour les étudiants à la maîtrise qualifiante qui voudraient obtenir leur brevet en 30 crédits plutôt qu’en 60 crédits, ajoute le ministre.
Dans ces conditions, quel est l’avenir du baccalauréat de quatre ans en enseignement, qui comprend notamment trois stages ? « On va d’abord créer la voie rapide, dit Bernard Drainville. C’est possible que les facultés d’éducation doivent s’ajuster à cette nouvelle réalité. »
Le ministre mise aussi sur l’embauche d’aides-enseignantes, des éducatrices en service de garde scolaire qui sont déjà dans les écoles. Plusieurs travaillent à temps partiel, selon des horaires étalés entre l’accueil des élèves en matinée, l’heure du dîner et le départ des enfants en fin d’après-midi. Elles pourraient donner un coup de main aux enseignants en classe durant la journée, explique-t-il.
Ce n’est pas aux enfants de payer pour les conditions difficiles qui les ont amenés chez nous. On va s’en occuper, et très bien. Mais il faut reconnaître que ça met de la pression sur nos ressources humaines et sur les espaces disponibles »
pour les classes. On étire au maximum nos ressources. BERNARD DRAINVILLE