Le Devoir

Le Bloc québécois réclame le départ d’Elghawaby

- MARIE VASTEL CORRESPOND­ANTE PARLEMENTA­IRE À OTTAWA Avec Alexandre Robillard

Le chef du Bloc québécois est venu ajouter sa voix à celles qui réclamaien­t déjà le départ d’Amira Elghawaby, à Ottawa comme à Québec. Après avoir rencontré la nouvelle conseillèr­e spéciale du fédéral dans la lutte contre l’islamophob­ie, Yves-François Blanchet est d’avis qu’elle ne peut demeurer en fonction et il demande en outre l’abolition de son poste.

Amira Elghawaby s’était présentée au parlement fédéral mercredi pour rencontrer le chef bloquiste et s’était alors excusée d’avoir « blessé » les Québécois avec ses « mots » passés. Ce qui n’a toutefois pas suffi pour calmer le tollé.

Yves-François Blanchet l’a invitée, jeudi, à quitter volontaire­ment son poste. Autrement, il voudrait que Justin Trudeau lui demande de se retirer. « Je pense qu’elle est toujours hostile à la notion de laïcité de l’État. Je pense qu’elle a encore des préjugés à combattre contre la nation québécoise », a affirmé le chef bloquiste au sujet de son entretien avec Mme Elghawaby, bien qu’il ait aussi fait état d’« un peu plus d’ouverture d’esprit » de sa part.

Le lieutenant politique de Justin Trudeau Pablo Rodriguez a lui aussi rencontré Mme Elghawaby jeudi. M. Rodriguez a évité les médias dans la journée. Sur Twitter, en début de soirée, il a parlé d’une « bonne rencontre » et rapporté y avoir « parlé du Québec, de nos valeurs, de notre histoire ». « Nous devons continuer d’avoir ces conversati­ons qui sont nécessaire­s alors que nous bâtissons un pays plus inclusif », a-t-il gazouillé. M. Rodriguez s’était dit, en début de semaine, alors que M. Trudeau défendait bec et ongles Mme Elghawaby, « profondéme­nt blessé » par ses propos des dernières années sur les Québécois.

Selon les informatio­ns du Devoir, le bureau du lieutenant aurait approuvé la nomination d’Amira Elghawaby avant son annonce. Mais ce dernier n’aurait pas pour autant été au fait, à ce moment, de tous ses écrits antérieurs.

Abolition du poste

Au-delà du départ de Mme Elghawaby, M. Blanchet a sommé Justin Trudeau de renoncer carrément à la création du poste de conseillèr­e spéciale à la lutte contre l’islamophob­ie. Car son tout premier choix de titulaire de ce nouveau poste a marqué « au fer rouge, de façon indélébile, la fonction », qui ne pourra pas, selon M. Blanchet, être réhabilité­e aux yeux des Québécois.

De l’avis du chef bloquiste, en nommant Mme Elghawaby — qui, lors de sa carrière de chroniqueu­se, avait notamment écrit en marge de débats sur la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21) que, « malheureus­ement, la majorité des Québécois sont [guidés] par un sentiment antimusulm­an » —, Justin Trudeau s’est retrouvé à « faire un amalgame nocif entre laïcité et islamophob­ie ».

« L’idée de la fonction même a été contaminée par une dérive politique, ou partisane, ou intéressée, ou de propagande », a clamé M. Blanchet.

Je pense qu’elle est toujours hostile à la notion de laïcité de l’État. Je pense qu’elle a encore des préjugés à combattre contre la nation québécoise.

YVES-FRANÇOIS BLANCHET »

Les libéraux discrets

Le premier ministre Trudeau n’a pas réagi à la sortie du Bloc québécois. Son bureau a renvoyé les médias à ses commentair­es de la veille.

Mercredi, M. Trudeau défendait toujours Amira Elghawaby. Il avait cependant modifié son discours, faisant la pédagogie de la laïcité québécoise et soulignant qu’elle découle de l’histoire même du Québec et de son rapport à la religion. Le premier ministre avait alors appelé les esprits à se calmer, de part et d’autre, pour passer au dialogue.

Le ministre québécois responsabl­e de la Laïcité, Jean-François Roberge, a cependant réitéré son appel à la démission d’Amira Elghawaby, jugeant que ses excuses survenaien­t trop tard.

Le Parti conservate­ur à Ottawa réclame aussi son départ.

Le néodémocra­te Alexandre Boulerice a accusé le Bloc québécois de montrer « son vrai visage » en rejetant l’idée même que le gouverneme­nt compte un représenta­nt pour lutter contre l’islamophob­ie. « Ça n’a jamais été à propos de Mme Elghawaby, en fait. Ça a toujours été à propos de la lutte contre l’islamophob­ie. » Une position « absolument inacceptab­le », a scandé M. Boulerice, qui a déploré l’« insensibil­ité » passée de Mme Elghawaby tout en la soutenant dans sa nouvelle fonction.

Québec veut aussi son départ

Le premier ministre du Québec, François Legault, a reproché à Justin Trudeau de persister à « défendre une mauvaise décision ». « Il va vivre avec. »

Le chef par intérim du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, estime lui aussi que les excuses de Mme Elghawaby étaient « trop peu, trop tard ». La formation demande encore sa démission.

Le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a pour sa part qualifié les excuses de « pas dans la bonne direction ». « Mais on a toujours des questions, parce qu’on veut échanger avec elle sur sa vision aussi de la lutte à l’islamophob­ie dans un contexte québécois, qui est un contexte particulie­r », a-t-il affirmé, lui qui doit à son tour la rencontrer dans les prochains jours.

Les députés de Québec solidaire s’étaient abstenus d’appuyer cette semaine une motion de l’Assemblée nationale qui réclamait que Justin Trudeau retire à Mme Elghawaby son nouveau mandat. Tous les élus de la Coalition avenir Québec, du Parti libéral du Québec et du Parti québécois ont en revanche voté pour.

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