Le Devoir

Les limites de la résilience

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J’ai lu l’excellent roman de Michel Jean, qui met en exergue le drame que la communauté innue de Pointe-Bleue a vécu lors de l’évolution de l’exploitati­on des ressources de la région du Lac-Saint-Jean (rivière Péribonka) et qui a changé radicaleme­nt la vie de cette population à tout jamais.

Leur mode de vie nomade, qui était en total accord avec les saisons qui passaient, avec des migrations vers des régions aptes à leur permettre de chasser pour se nourrir et de trapper pour s’approvisio­nner en rares articles qu’ils ne produisaie­nt pas euxmêmes, s’est interrompu brutalemen­t. L’adaptation fut presque impossible pour la plupart.

Comment ne pas faire l’analogie entre cet épisode troublant que ce peuple a vécu et nousmêmes, qui avons à nous adapter dans la mesure du possible aux changement­s climatique­s qui bouleverse­nt déjà nos vies, même si nous refusons d’y croire ?

Comme pour ces peuples qui ont vu leurs territoire­s envahis par le développem­ent (et par l’homme blanc trop dominant), nous voyons nos points de repère s’évanouir en rapport avec les saisons que nous ne reconnaiss­ons plus. Comment allons-nous réagir à l’ensemble des changement­s dans nos habitudes de vie bien ancrées ?

Il y a des limites à la résilience. Il faudra bien continuer à se nourrir malgré les dérèglemen­ts climatique­s, avec les contrastes abrupts entre sécheresse et inondation­s. Les défis seront très nombreux, à tous les points de vue (migration climatique, sociale).

Nous avons ignoré les peuples qui vivaient sur ces terres au nom du développem­ent. Allons-nous nous ignorer aussi la réalité en pensant créer plus de richesses avec nos ressources déjà surexploit­ées ? […]

Martin Turbine

Val-Brillant, le 30 janvier 2023

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