Paperasse et soins de premières lignes
Dans un récent article du Devoir, Marie-Eve Cousineau présentait les résultats du rapport de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante selon lesquels les médecins québécois consacreraient 4,4 millions d’heures par année à des tâches administratives qui ne nécessiteraient pas leur expertise clinique ou qui seraient carrément inutiles. Mieux utilisées, ces heures permettraient aux médecins québécois d’offrir annuellement 13,2 millions de consultations supplémentaires.
C’est énorme. Sachant qu’entre un et deux millions de consultations supplémentaires par année permettraient de désengorger les urgences du Québec, comment se fait-il qu’après tant d’années, le problème ne soit pas déjà résolu ? La méthodologie et les conclusions de cette étude mériteraient d’être validées par les spécialistes du gouvernement Legault responsables de la négociation avec les médecins.
Maintenant, que des formulaires actuellement remplis par des médecins puissent être simplifiés ou carrément abolis, cela est possible, et même si le gouvernement et plusieurs organismes travaillent déjà dans ce sens, il y a probablement encore matière à simplification.
Il faut cependant se méfier du raccourci intellectuel selon lequel l’heure gagnée à ne plus remplir un formulaire se traduira automatiquement en heure de consultation en première ligne nécessaire pour désengorger l’urgence. Le médecin est maître de son temps, et il pourrait avoir d’autres plans.
[…] Le médecin est un travailleur autonome, et ce n’est pas le président de son syndicat, ni le ministre de la Santé, ni la présidente du Conseil du trésor qui peut vraiment interférer dans l’exercice de ses choix. Au mieux, ils peuvent tenter par des incitatifs financiers de l’influencer, mais à ce chapitre, les échecs du passé sont peu encourageants pour l’avenir. Moins de paperasse pour plus de services en première ligne, l’adéquation semble évidente et la logique implacable, mais entre la théorie et la réalité, il y a tout un monde.
Daniel Poirier
Stratford, le 2 février 2023