Premier baiser new-yorkais
La pièce Stop Kiss de Diana Son se contente d’effleurer son sujet
Nous sommes à New York, à la fin du millénaire. Dans cet environnement hostile, pour ne pas dire violent, bien peu propice aux rapports humains, et encore moins aux amours naissantes, on découvre l’histoire tendre et cruelle de Callie et Sara, deux femmes dans la vingtaine, respectivement chroniqueuse à la circulation et enseignante de troisième année. Stop Kiss a été créée au Public Theatre de New York en 1998. La pièce, qui a lancé la carrière de la Coréo-Américaine Diana Son, est ici traduite par Maryse Warda et présentée à la Petite Licorne par la compagnie Tableau noir. La comédienne Kim Despatis signe sa première mise en scène.
Dans un premier temps, on se réjouit de découvrir une pièce américaine relativement récente, extraite d’un répertoire dont on continue de s’étonner qu’il ne soit pas plus présent sur nos scènes. Rappelons que le mémorable premier spectacle de Tableau noir, Le terrier, présenté à la salle Fred-Barry en 2016 et repris chez Duceppe en 2019, s’appuyait sur un excellent texte de David Lindsay-Abaire créé sur Broadway en 2006. En ce qui concerne Stop Kiss, on s’enthousiasme également à l’idée d’avoir accès à une partition qui s’articule autour d’un amour lesbien, une réalité elle aussi bien peu dépeinte dans nos théâtres.
Lacunes du texte
Malheureusement, la pièce de Diana Son déçoit. D’abord parce que l’histoire de Callie et Sara, deux femmes qui se croyaient hétéros jusqu’à ce que leurs trajectoires se croisent, est plutôt banale. Mais surtout parce que les tenants et les aboutissants du véritable enjeu, à savoir la brutale agression homophobe dont elles sont victimes quand elles s’embrassent dans un parc de West Village, ne sont pas suffisamment disséqués. Comme si la dramaturge avait ressenti une pudeur à l’idée d’épouser la dimension tragique de son récit. La forme, où le passé et le présent s’entrelacent sans cesse, n’est pas inintéressante, mais plusieurs scènes paraissent superflues, redondantes, voire futiles. Il en va de même des trois personnages secondaires, si peu définis qu’ils auraient mérité d’être retranchés.
Peu imaginative, minée par des problèmes de rythme et par un fastidieux recours aux différentes portes de la salle, la représentation ne compense pas les lacunes du texte. Tout en cherchant à convier dans un même salon les divers lieux — du bar à l’hôpital en passant par le poste de police — et les quelques temporalités — avant, pendant et après le drame —, la mise en scène ne parvient pas à s’affranchir d’un désolant réalisme. Certes, il y a entre les lumineuses Célia Gouin-Arsenault et Rose-Marie Perreault quelques moments de tendresse, plusieurs instants franchement comiques, mais les deux comédiennes méritent de s’atteler à des partitions plus substantielles.