Davantage de demandes de passeports prévues qu’en 2022
À l’aube des vacances d’été, Ottawa peine déjà à répondre à la demande croissante de passeports en Ontario. Les temps d’attente s’allongent, et les rendez-vous se font rares, et ce, alors que le gouvernement fédéral s’attend à recevoir jusqu’à 60 % plus de demandes que lors de la crise de 2022, a appris Le Devoir.
À Ottawa et à Toronto, il faut attendre près de quatre heures pour déposer une demande. Le Québec semble pour l’instant échapper à un tel achalandage : à Montréal, les temps d’attente sont estimés à 1 h 15 ; à Gatineau, à 1 h 30. Reste qu’il est impossible de prendre rendez-vous avant la mi-mai, voire juin, dans la plupart des bureaux de la province.
« Actuellement, à l’approche des vacances estivales, nous sommes en période de pointe, et il est habituel et normal de voir les temps d’attente augmenter dans les bureaux des passeports », explique Emploi et Développement social Canada (EDSC), qui n’indique pas percevoir les prémices d’une nouvelle crise des passeports. En 2022, de nombreux voyageurs avaient dû faire la file jour et nuit pour tenter d’obtenir, parfois en vain, le précieux document avant leur départ.
Ottawa prévoit cependant recevoir jusqu’à 5,4 millions de demandes en 2024-2025, soit près de deux millions de plus qu’en 2022-2023 et environ 500 000 de plus qu’en 2023-2024, selon des chiffres obtenus par Le Devoir. Une hausse qui prend en compte l’expiration des premiers passeports de 10 ans, délivrés en 2014, et qui « seront admissibles en juillet pour renouvellement », écrit Mila Roy, conseillère en communication chez EDSC.
« La gestion des passeports, ce n’est pas une activité compliquée. Ça fait des années et des années que le gouvernement traite ces demandes-là ; ce sont ses propres procédures. Comment se fait-il qu’on ne soit pas mieux préparés ? » demande Geneviève Tellier, professeure d’études politiques à l’Université d’Ottawa, qui se dit surprise par ce « manque de planification ».
De son côté, Mme Roy assure que « Service Canada a l’effectif opérationnel nécessaire » et que, « si la demande excède les prévisions, […] des ressources existantes ou additionnelles » pourront être dirigées temporairement « là où le soutien est nécessaire durant leur quart de travail ou en heures supplémentaires ».
EDSC recommande aux voyageurs de « renouveler leur passeport dès que possible », indiquant que la « norme de service est de 20 jours ouvrables ».
Prendre son mal en patience
À Ottawa, le temps d’attente est estimé par Service Canada à 2 h 45. Mais sur le terrain, certaines personnes racontent au Devoir y avoir passé bien plus de temps. « Tu prends ton mal en patience », dit l’une d’entre elles, qui a préféré taire son nom. Après avoir attendu en vain pendant 2 heures mardi, elle est revenue mercredi matin au bureau situé dans le quartier ottavien d’Orléans 90 minutes avant son ouverture. Elle l’a quitté 5 h 30 plus tard, après 4 heures passées à l’intérieur des locaux.
Lors du passage du Devoir, ce même jour, une quinzaine de personnes patientaient devant la porte d’entrée du bureau et craignaient de ne pas pouvoir être servies dans la journée. S’attendaient-elles à moins d’attente deux ans après la crise des passeports ? « Oui, et nous ne comprenons pas », dit Valerie.
Devant l’autre bureau de la capitale fédérale, Pamela MacKinnon, à qui l’on a donné un billet numéroté, se réjouit de pouvoir rentrer chez elle plutôt que de devoir attendre sur place. Logé à la même enseigne, un couple n’a toutefois été servi que 45 minutes après l’heure de rendez-vous fixée par le bureau.
Pas toujours de service en français
Alors que les temps d’attente avoisinent les 2 h 30 à Toronto, les francophones qui souhaitent se faire servir dans leur langue doivent en plus parcourir une vingtaine de kilomètres, puisque le seul bureau des passeports du centre de la Ville Reine n’offre pas de services en français.
« Il est inconcevable que le gouvernement fédéral n’arrive toujours pas à offrir des services dans des temps raisonnables dans ses bureaux des passeports. Rien n’a été retenu de la crise de l’été 2022 », a écrit au Devoir la députée bloquiste Louise Chabot, qui juge qu’« assurer un service dans les temps et en français » est le « strict minimum ».
De son côté, EDSC explique que « la disponibilité de service dans les langues officielles est déterminée par le Conseil du Trésor en se basant sur le recensement en appliquant la Loi sur les langues officielles », et que des « services d’interprétation par téléphone » demeurent offerts dans les bureaux unilingues.