Un salaire au bas du minimum ?
Petite réflexion autour d’une hausse de 50 ¢ l’heure du salaire minimum.
À compter de mercredi, le taux général du salaire minimum passera à 15,75 $ l’heure — une hausse de 50 ¢ ou de 3,3 %. Celui des employés à pourboire sera augmenté du même pourcentage, à 12,60 $ l’heure. Il y a pourtant un écart avec la variation annuelle de l’indice des prix à la consommation (IPC), qui a été de 4,5 % en 2023, mais Québec tient plutôt à comparer le tout avec l’inflation de 2,3 % prévue pour l’année financière 2024-2025.
Petite consolation : le taux d’indexation du régime d’imposition des particuliers est de 5,08 % pour 2024. D’ailleurs, à cette hausse du salaire minimum et à cette forte indexation des régimes fiscaux, les diverses analyses juxtaposent la baisse d’impôt du Québec et la bonification du crédit pour solidarité afin de conclure à une amélioration du revenu disponible de tous les ménages et à une proportion élevée de la hausse du salaire minimum conservées par les ménages. Cette contribution se veut toutefois atténuée par le jeu de décalage dans le temps de l’ajustement de la table d’imposition et des grands programmes de transferts sociaux en fonction du coût de la vie. La poussée rapide et persistante de l’inflation est d’ailleurs venue en accentuer la portée.
Mais encore faut-il que ce soit suffisant pour couvrir les besoins de base.
En effet, doit-on aussi rappeler qu’au-delà de cet IPC d’ensemble, sur une base annuelle moyenne, les prix des aliments achetés en magasin ont enregistré une hausse de 7,8 % en 2023, nous dit Statistique Canada. Sur la même période, la croissance des prix du logement a été de 5,6 %, après une poussée de 6,9 % en 2022, alors que les consommateurs ont payé 6,5 % de plus pour leur loyer en 2023, une hausse qui s’additionne à celle de 4,6 % en 2022. Des augmentations frappant la satisfaction des besoins essentiels, toujours plus ressenties sur les budgets situés plus bas dans l’échelle des revenus.
Parallèlement, le seul indice du coût de l’intérêt hypothécaire a progressé de 28,5 % l’an dernier, affichant sa plus forte hausse jamais enregistrée et se voulant le plus important facteur à l’origine de la hausse de l’IPC annuel moyen d’ensemble en 2023, a souligné l’agence fédérale.
10 % de plus au fédéral
On peut aussi étendre la comparaison avec l’augmentation de 3,9 % du salaire minimum fédéral. Depuis le 1er avril, le taux plancher pour les travailleurs et la structure salariale des entreprises du secteur privé sous réglementation fédérale se chiffre à 17,30 $ l’heure, contre 16,65 $ auparavant. Si la province ou le territoire offre un taux de salaire minimum général supérieur, c’est celui-ci qui est appliqué. C’est le cas pour le Nunavut (19 $ l’heure) et le Yukon (17,59 $). Ce sera le cas pour la Colombie-Britannique (17,40 $ l’heure à compter du
1er juin). Au Québec, les travailleurs des banques, des services postaux et de messagerie, ou encore des transports interprovinciaux aériens, ferroviaires, routiers et maritimes bénéficient donc d’un taux plancher 10 % plus élevé que le taux général québécois.
Autre élément devant entrer dans la comparaison : le rajustement du salaire minimum au fédéral reflète la hausse de 3,9 % de la moyenne annuelle de l’IPC au Canada pour 2023, et non une quelconque décélération anticipée.
L’augmentation de 3,3 % du salaire minimum québécois bénéficiera directement à 200 700 salariés, dont plus de la moitié sont des femmes. Pour l’ensemble des salariés, la mise à jour de l’enquête sur les prévisions salariales 2024 publiée à la fin mars par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés prévoit pour 2024 une augmentation moyenne de 3,7 % tous les emplois confondus au Québec. Il est rappelé que, pour 2023, la rémunération hebdomadaire moyenne (y compris les heures supplémentaires) a progressé du même pourcentage, selon Statistique Canada.
Le Québec au troisième rang
Le gouvernement se réjouit de voir que la hausse de mercredi positionnera le Québec au troisième rang du classement provincial. « Le Québec est au premier rang parmi les différentes provinces canadiennes au regard du taux de couverture de la Mesure du panier de consommation (MPC) et du salaire minimum ajusté au coût de la vie », ajoute-til. Pour ensuite rappeler que, depuis les dernières années, « la politique gouvernementale sur le salaire minimum vise l’atteinte d’un ratio de 50 % entre ce salaire et le salaire horaire moyen. Le ratio atteindra 50,8 % avec cette nouvelle augmentation ». Toutefois, dans le jeu des comparaisons internationales, le baromètre de 60 % du revenu médian est généralement retenu.
Et nous sommes encore loin du concept plus élargi de revenu viable défendu par l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS). Grosso modo, l’IRIS greffe à la MPC la notion de salaire décent, pour arrimer le tout aux besoins plus réels des ménages calculés selon le coût de la vie et les réalités régionales. On en serait à 20 $ ou plus l’heure dans nombre de régions.
Les augmentations de coûts affectant la satisfaction des besoins essentiels sont toujours plus ressenties sur les budgets situés plus bas dans l’échelle des revenus