Des « minifoies » pour sauver des vies
Depuis 2016, le Dr Massimiliano Paganelli, son épouse, la Dre Claudia Raggi, et leur équipe s’affairent à créer des « minifoies » pour sauver la vie d’enfants et d’adultes aux prises avec de l’insuffisance hépatique. Un financement de dizaines de millions de dollars américains vient de leur être accordé afin de leur permettre de se rendre aux phases cliniques.
Dans leur laboratoire, les chercheurs font croître des cellules souches pour imiter celles du foie. « On pousse ces cellules à devenir différents types de celles qu’on trouve dans le foie. Ce sont de petites sphères qu’on appelle des organoïdes. On les réunit pour qu’elles agissent comme un tissu avec des biomatériaux qu’on a développés et on reconstitue les conditions qu’on a normalement dans le foie », décrit le Dr Paganelli, hépatologue pédiatre au Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine.
Chaque sphère est invisible à l’oeil nu. Une fois ces boules rassemblées avec des biomatériaux, elles ont ensemble la taille d’une petite feuille, explique celui qui est professeur agrégé de clinique à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. « Avec des cocktails de molécules, on va recréer un peu l’environnement qu’on a dans le développement de l’utérus. Et grâce à ça, les cellules souches deviennent des minifoies. Et ces derniers vont se parler entre eux pour vraiment remodeler un tissu hépatique », explique le chercheur.
Ces minifoies seront ensuite installés dans un implant, qui sera inséré dans l’abdomen d’un patient pour une durée de quelques semaines. « C’est un traitement qui est transitoire, qui permet de remplacer les fonctions du foie », précise le Dr Paganelli.
Retarder les décès et sauver des vies
Le foie est un organe qui se reconstitue de façon efficace, explique le Dr Paganelli. Or, dans plusieurs cas d’insuffisance hépatique, les jours sont comptés. « Le problème, c’est que la personne décède avant que le foie ait le temps de se soigner. Et, nous, on remplace les fonctions et on accélère la régénération du foie avec notre implant », décrit-il.
Cette technologie inédite appelée ReLiverMC aura donc pour objectif dans certaines situations d’éviter carrément une greffe d’organe. Dans d’autres circonstances, elle permettra au patient de survivre en attendant un donneur. « On sait que les utilités de cet implant peuvent durer plusieurs mois. Mais le but est vraiment de le garder quelques semaines. C’est le temps dont on a besoin pour que le foie se régénère », ajoute le médecin.
Des traitements potentiels pour d’autres maladies
S’il souhaite d’abord fournir une meilleure thérapie face à l’insuffisance hépatique, le Dr Paganelli croit que la nouvelle technologie développée par son entreprise pourrait à terme être applicable à d’autres maux, comme l’hépatite alcoolique ou la cirrhose. « On vise à l’utiliser aussi pour traiter des maladies métaboliques pédiatriques. Et tous les problèmes qu’on a après une réfection du cancer du foie par exemple. Le foie qui reste trop petit, on pourrait l’aider à repousser. Il y a plein de maladies qui pourraient bénéficier de ça », avance-t-il.
Le chercheur et son équipe étudient d’ailleurs les usages possibles de cette technologie pour différents organes. « Le potentiel est exactement le même pour diverses maladies, qui pourraient être traitées par la même approche. »
Des phases cliniques
C’est en 2018 que le Dr Paganelli a cofondé son entreprise, Morphocell Technologies. Forte d’un nouveau financement de 40 millions de dollars américains venant d’investisseurs privés, l’initiative pourra entamer des essais cliniques dans un avenir proche, se réjouit le médecin.
Des expériences ont déjà été menées sur des cochons, dont le foie est très semblable à celui des humains. « Au cours des deux prochaines années, on veut les reproduire à l’échelle humaine », souhaite l’hépatologue.
Actuellement, les chercheurs procèdent à des tests afin de faire approuver la sécurité de la méthode par Santé Canada et la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis. « On pourrait s’imaginer qu’en 2027, on sera capables de commencer à traiter des patients », dit le Dr Paganelli.
Si le médecin reste optimiste quant à ses travaux, il précise toutefois ne pas désirer donner de faux espoirs à certains malades. « On croit énormément en ces technologies. On pense que ça va révolutionner les traitements, mais il faut y aller de façon très rigoureuse. On ne veut pas que les gens refusent d’autres traitements pour attendre celui-là », souligne-t-il.
Alors que de nombreuses compagnies de biotechnologies sont installées aux États-Unis, le Dr Paganelli a choisi de maintenir ses découvertes au Québec. « C’est important d’attirer les talents et de les garder ici. Si on développe nous-mêmes ces thérapies et que tout le monde en bénéficie à terme, au Québec, on sera les premiers à y avoir accès. »
« On pourrait s’imaginer qu’en 2027, on sera capables de commencer à traiter des patients »