Le Devoir

De la mobilité à l’immobilism­e L

- BRIAN MYLES

e premier ministre François Legault s’est porté à la défense de Geneviève Guilbault à la suite de ses propos maladroits sur le financemen­t des transports collectifs. Peut-être devrait-il aussi modifier l’intitulé de ses fonctions ? Il suffit de remplacer « Mobilité durable » par « Immobilism­e exécrable » et le tour sera joué.

Ce titre serait en phase avec la désinvoltu­re affichée par la ministre Guilbault dans le débat sur les manières de résorber le déficit structurel des sociétés de transport. Elle y est allée d’une déclaratio­n étonnante en affirmant que la gestion du transport collectif ne faisait pas partie des missions de l’État.

Elle a en partie raison sur le plan technique, car la gestion courante des sociétés est une responsabi­lité municipale. Ce n’est toutefois qu’au péril de raccourcis intellectu­els qu’elle peut affirmer que l’État n’a rien à voir avec ce bourbier. Que ce soit par sa participat­ion au financemen­t des sociétés, par la création de l’Autorité régionale de transport métropolit­ain (ARTM), par l’octroi d’un traitement préférenti­el au REM ou par l’idéation des grands projets, le gouverneme­nt du Québec a toujours une main sur le volant du transport collectif. Ou plutôt un pied sur le frein, par les temps qui courent.

Le premier ministre a aussi contribué à envenimer les échanges en affirmant qu’il est plus facile pour les maires « de quêter [de l’argent] à Québec » que d’équilibrer le budget des sociétés de transport. Dans la continuité du bras de fer qui se joue depuis l’automne dernier, il se met encore les élus des grandes villes à dos.

Ce déversemen­t de frustratio­n par le gouverneme­nt caquiste trahit à la fois son impuissanc­e et son manque de vision pour revoir le financemen­t du transport collectif, mis à mal par les effets de la pandémie, du télétravai­l généralisé et de la compétitio­n livrée par le REM dans le partage des revenus dans l’agglomérat­ion montréalai­se. Le déficit structurel (autobus, métro, train et transport adapté) est présenteme­nt évalué à 1,4 milliard, avec aucun espoir de redresseme­nt en vue.

Même si Québec a assumé une large partie du déficit l’an dernier, les agglomérat­ions devront faire des choix déchirants pour remédier à la situation : réduire des services, augmenter les taxes municipale­s ou la taxe sur l’immatricul­ation, hausser les tarifs… Le gouverneme­nt Legault enrobe très mal son message, mais sa demande n’est pas dénuée de fondement. Les municipali­tés doivent aussi fournir leur part d’efforts et mieux gérer les coûts d’exploitati­on.

Toutefois, cela ne justifie en rien le discours réducteur de la ministre Guilbault. Le transport collectif n’est pas un service local ou régional, mais un bien public qu’il importe de soutenir collective­ment pour favoriser l’équité dans la mobilité des Québécois, pour assurer un aménagemen­t du territoire responsabl­e et pour se donner une lueur d’espoir dans l’atteinte des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre. C’est une mission de l’État, comme il en est de l’entretien des routes, ces étendues d’asphalte si chères à la ministre.

Il y a urgence de tenir un débat sur le financemen­t des sociétés de transport, à l’intersecti­on de la pérennité et de l’équité dans le partage des coûts. N’y croyons pas trop. Le gouverneme­nt Legault se révèle sous son vrai jour dans cette controvers­e. La mobilité durable le préoccupe moins que le 3e lien.

Depuis son élection, il ne revendique aucun nouveau projet structuran­t de transport collectif. Il demande aux villes d’utiliser les pouvoirs de taxation qui viennent avec leur autonomie réclamée de longue date tout en exprimant des réserves lorsqu’elles envisagent de mettre les automobili­stes à contributi­on par une hausse de la taxe sur l’immatricul­ation ou le péage kilométriq­ue. Triste à dire, mais c’est encore et toujours la paveuse de l’immobilism­e qui dicte l’avenir du transport collectif.

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