Laver son linge ensanglanté en famille
Avec Humane, Caitlin Cronenberg offre une comédie noire sur fond de chicanes de famille, de crise environnementale et d’euthanasie
Dans un futur dangereusement proche, l’effondrement environnemental est tel que les leaders mondiaux ont dû se résoudre à des mesures draconiennes. Afin de sauver une partie de la population, une autre doit se sacrifier. C’est à ce vaste programme d’euthanasie volontaire qu’a décidé de souscrire Charles, riche patriarche qui a réuni, le temps d’un dernier souper, ses enfants Jared, Rachel, Noah et Ashley. Or, lorsque Dawn, la seconde épouse de Charles, s’éclipse avant la procédure qui devait l’emporter également, le fonctionnaire chargé des mises à mort exige un second corps. Voici donc la progéniture prête à s’entretuer. Avec Humane (Humain en V.F.), Caitlin Cronenberg offre une comédie délicieusement noire.
D’emblée, le concept sur lequel repose ce premier long métrage de la réalisatrice, qui, pour rester dans le thème de la famille, suit les traces de son frère Brandon Cronenberg (Possessor/ Possesseur ; Infinity Pool/Débordement) et de leur père David Cronenberg (Scanners, Crash), ne manque ni de potentiel ni de mordant. Ainsi, après des décennies à avoir failli à atteindre leurs cibles en matière de réduction de pollution, voici que les grandes nations n’arrivent pas davantage à atteindre leur quota d’euthanasies volontaires.
Lors d’un point de presse en toile de fond de la séquence d’ouverture, le porte-parole de « l’Administration », Jared (Jay Baruchel, vu récemment dans BlackBerry), évoque différentes solutions, comme élargir le volontariat aux enfants, ou encore une conscription… Pour le moment, on s’en tiendra à un tirage au sort. Évidemment, les dés sont pipés, et ce sont les pauvres et les sans-papiers qui seront les perdants de cette loterie truquée, comme a tôt fait de le révéler Jared aux siens.
Jeu de massacre
La majorité de l’intrigue est confinée à la vaste demeure où frères et soeurs se livrent bientôt à une létale partie de cache-cache après avoir identifié le maillon faible : Noah, un ex-toxicomane en rémission.
Ponctuellement, on se transporte dans le fourgon de la société gouvernementale garé devant la propriété, et où le fonctionnaire « euthanasiste » (Enrico Colantoni, Keith Mars dans la série Veronica Mars) se livre à un débat philosophico-éthique avec Mia (Sirena Gulamgaus, Pavani dans Code 8 — Part II), la fille de Rachel (Emily Hampshire, Stevie dans la série Schitt’s Creek). Ces derniers segments font sourire tout en posant de bonnes questions.
Avec son mélange d’humour macabre et de violence sanguinolente, la traque mortelle dans le manoir rappelle par moments le savoureux Ready or Not (Prêt pas prêt), de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett.
À la différence que le film de Caitlin Cronenberg a réellement des choses à dire sur l’état du monde actuel et à venir si rien n’est fait. Certes, le discours n’est pas subtil, car souvent explicité dans le dialogue, mais il n’en est pas moins pertinent.
Les talentueux interprètes, Emily Hampshire en tête, prennent en outre un plaisir évident — et contagieux — à ce jeu de massacre. Devant tout ce sang, l’expression « laver son linge sale en famille » prend un sens, disons, différent.
Humain (V.F. de Humane)
1/2
Comédie noire de Caitlin Cronenberg. Scénario de Michael Sparaga. Avec Sebastian Chacon, Emily Hampshire, Jay Baruchel, Alanna Bale, Enrico Colantoni, Sirena Gulamgaus, Peter Gallagher. Canada, 2024, 93 minutes. En salle.