Cultivons notre jardin, mais avec quels effets sur notre santé ?
Bertille Darragon propose un guide de jardinage d’un autre genre qui met en lumière les dangers des polluants sur les potagers
Semble-t-il qu’il n’y a rien de plus sain et naturel que de faire pousser ses propres fruits et légumes. Et pourtant, l’activité printanière très appréciée des Québécois pourrait cacher quelques mauvaises surprises. Dans son ouvrage Jardiner dans les ruines, l’essayiste française Bertille Darragon expose les mille et un périls écologiques qui pèsent sur la culture vivrière, victime elle aussi de la dégradation des écosystèmes.
Son constat environnemental est brutal. Une multiplicité de contaminants est aujourd’hui présente dans l’air, l’eau et le sol des potagers. Le jardin, considéré pour beaucoup comme une véritable oasis, en dehors du brouhaha du monde et des activités industrielles, n’est malheureusement pas hermétique aux effets néfastes de la pollution. Situés au coeur ou à proximité des centres urbains, les potagers agissent au contraire comme le baromètre de la toxicité de notre planète.
La liste des agents chimiques et physiques susceptibles d’empoisonner nos jardins, et qui finissent ultimement dans nos assiettes, est longue, rappelle l’essayiste. Des dépôts d’acides aux pesticides en passant par les médicaments, les métaux lourds et les déchets en tout genre, ce sont autant d’éléments qui ont des conséquences néfastes sur la nature et les produits que nous consommons.
L’autrice sait de quoi elle parle. Celle qui s’adonne au jardinage et au maraîchage dans les Alpes françaises est aussi animatrice en botanique. Elle est d’ailleurs très impliquée sur le terrain depuis plusieurs années, dénonçant un certain nombre de pratiques malsaines menées sur le terroir de l’Hexagone. Un jardin en meilleure santé doit aujourd’hui s’accompagner d’une lutte contre les activités industrielles, grandes productrices des polluants en question, affirme-t-elle.
En plus de consacrer chacun des chapitres aux principaux contaminants qu’on risque de trouver dans les potagers, l’ouvrage dense se veut un outil pour les jardiniers, amateurs ou non, afin qu’ils s’adaptent aux nouvelles réalités des changements climatiques. En matière de toxicité, il donne plusieurs bons conseils pour celles et ceux qui entretiennent un potager proche d’entreprises polluantes. On retiendra celui d’éviter de faire pousser des laitues, le légume qui concentre le plus l’arsenic, tout comme le plomb. Doté d’un glossaire très bien documenté, le livre est à la fois un essai sur les pollutions et un guide pratique. L’autrice pose une série de questions afin de limiter les dégâts sur les plantes légumières. Par exemple : comment se passer de plastique ? Faut-il essayer de modifier le pH de son sol ?
L’essayiste soulève également plusieurs enjeux liés à la forte présence de microplastiques à l’intérieur des sols. Les scientifiques ont déjà tiré la sonnette d’alarme concernant l’invasion des océans du globe par les plastiques, « mais ce qui se passe dans les sols, et qui concerne de plus près les jardins, est moins médiatisé, plus invisible, et pourtant peut-être tout aussi grave », souligne-t-elle.