L’importance de porter la voix des travailleurs
À quelques jours du 1er mai, date commémorant « la lutte ouvrière », Caroline Senneville, présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), soutient que, bien qu’il y ait eu des gains énormes quant aux droits des travailleurs depuis les dernières décennies, le combat syndical n’en demeure pas moins pertinent et nécessaire.
« Il y a beaucoup de choses dans le monde du travail qu’on tient pour acquis et qui sont l’objet de luttes », soutient Mme Senneville, à la tête de l’organisation syndicale protégeant les droits de plus de 330 000 travailleurs issus principalement du Québec, mais aussi du reste du Canada.
Congés de maternité, lois entourant les harcèlements sexuel et psychologique en milieu de travail et vacances payées sont les quelques exemples nommés par la présidente. Le droit de s’associer en est un autre, selon Caroline Senneville. « Je prends exemple du projet de loi anti-briseurs de grève au fédéral. […] Tout n’est pas gagné parce que ce n’est pas simple de faire changer les mentalités », souligne-t-elle. Déposé en novembre dernier, le projet de loi C-58, s’il est adopté, interdirait le recours à des travailleurs de remplacement en cas de grève ou de lockout. Au Québec, une loi existe à cet effet depuis 1977.
Bataille à visages multiples
Le 1er mai est également synonyme d’augmentation du salaire minimum au Québec. Dans la province, il se situe à 15,25 $ l’heure, et augmentera à 15,75 $. En raison du contexte économique actuel, la CSN a revu sa position à cet égard et revendique un salaire minimum plus élevé, explique Caroline Senneville. « Pour nous, ce serait 20 $ l’heure, à cause de l’inflation qu’on a connue, particulièrement celle sur les besoins de base. Je pense à la nourriture et au logement. À 15,75 $, la personne qui travaille à temps plein, c’est quelqu’un qui travaille à ne pas couvrir ses besoins essentiels », s’inquiète-t-elle. « Ce n’est pas normal au Québec qu’une personne travaillant à temps plein ne peut pas couvrir ses besoins de base », ajoute la présidente.
La santé est une autre question à laquelle la CSN s’attaque. Avec la réforme Dubé, qui revoit la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux en créant une agence nommée Santé Québec pour en améliorer l’efficacité, Mme Senneville s’inquiète notamment de la « privatisation » du système. Les effets, d’après elle ? « C’est une perte d’accès aux soins, c’est une médecine à deux vitesses, c’est un service public affaibli. Le privé s’occupe de ce qui est simple, facile et payant. Il y a des choses qui ne doivent pas être gérées par les profits, notamment la maladie », croit Caroline Senneville.
La force syndicale
D’où vient la tradition de souligner le 1er mai ? À la fin du XIXe siècle, plus précisément le 1er mai 1886, un mouvement de grève générale éclate dans diverses villes américaines, dont Chicago, réclamant la journée de huit heures. « Les organisateurs seront durement réprimés », poursuit la présidente de la CSN. Au Québec, la première manifestation s’inscrivant dans cette veine aura lieu 20 ans plus tard, soit le 1er mai 1906. « Le 1er mai, c’est vraiment pour souligner la lutte ouvrière », résume Mme Senneville. Les syndicats de la province reprendront le flambeau en 1972.
Selon Mme Senneville, le syndicalisme au Québec est « une force vive de la Nation », même si, parfois, sa raison d’être est remise en question. « On peut critiquer l’action de certains syndicats, mais l’existence du syndicalisme, c’est protégé par les chartes. Puis, je dirais que c’est ce qui distingue les sociétés plus démocratiques des autres », estime la présidente de la CSN. « S’il n’y a pas de syndicat, il n’y a aucun lieu, comme travailleur, où tu peux te réunir. […] C’est un processus démocratique », précise-t-elle.
Pour l’année en cours, quels seront les champs d’action de la CSN ? « On va travailler fort dans nos conventions collectives pour demander des augmentations de salaire. Puis, la déprivatisation du système de santé et la crise du logement seront certainement des enjeux sur lesquels on va travailler », détaille Mme Senneville.
Se battre au quotidien pour les droits des travailleurs reste essentiel, fait remarquer la présidente de la CSN. « Si on ne le fait pas, il n’y a personne d’autre qui va le faire. […] Il faut que la voix des travailleurs soit portée. Et elle est mieux portée quand elle est collective », souligne Caroline Senneville.
« Le privé s’occupe de ce qui est simple, facile et payant. Il y a des choses qui ne doivent pas être gérées par les profits, notamment la maladie. »