Le Délit

Quebec vs le reste du Canada?

Enquête sur la perception du Québec dans les autres provinces et territoire­s.

- Matilda nottage Le Délit capucine lorber

Qui dit Québec dit une histoire et une culture qui se distinguen­t des autres provinces. Le mouvement indépenden­tiste en est la preuve: selon le sondage Léger de mai 2016, 41% des Québécois voteraient pour la souveraine­té du Québec si un nouveau référendum était organisé. De nombreux québécois ressentent donc que le Québec est assez différent du reste du Canada pour devenir un pays à part entière. Cependant qu’en est-il des canadiens des autres provinces et territoire­s? Que pensent-ils du Québec?

Andrew Potter et le «malaise social»

Difficile de parler de l’opinion des canadiens sur le Québec sans parler de la récente controvers­e liée à l’article d’andrew Potter. Directeur de l’institut d’études ca- nadiennes de Mcgill depuis 2016 et originaire du Manitoba, Potter écrit un article pour Maclean’s à la suite de la récente tempête de neige qui a paralysé la province intitulé « Comment une tempête de neige a exposé le vrai problème du Québec: un malaise social ». Dans cet article, Potter critique sévèrement la société québécoise, qu’il accuse d’être « pathologiq­uement aliénée ». Il cite aussi le manque de solidarité entre les habitants, le manque d’implicatio­n de la population dans la vie civique, ou encore le manque de profession­nalisme des policiers et des pompiers qui expriment leur mécontente­ment vis-à-vis du gouverneme­nt québécois suite au conflit «Libre Négo». Si Potter ne reflète évidemment pas l’opinion de tous les canadiens des autres provinces, ses remarques ne sont néanmoins pas extraordin­aires: Il y a bel et bien un décalage social et politique entre le Québec et les autres provinces.

Le Nouveau Parti Démocratiq­ue (NPD), parti socialdémo­crate, a eu plus de soutien au Québec que dans les autres provinces aux dernières élections fédérales, avec 16 de leurs 44 sièges fédéraux obtenus dans la province.

La question de l’identité nationale divise: selon Statistiqu­e Canada, près de 90% des répondants canadiens ont dit être fiers de leur pays, contre 70% des québécois.

La question de la religion

Un autre débat qui a récemment divisé le Québec et les autres provinces est celui du sécularism­e. Le Canada est un État séculaire: il n’y a pas de religion officielle. Cependant il est important de faire une distinctio­n entre deux différents types de sécularism­e. Le sécularism­e «positif» -au sens philosophi­que du terme, sans jugement de valeur- est l’équivalent de la laïcité «à la française»: l’état et la religion sont entièremen­t séparés. Le sécularism­e «négatif», par opposition, implique que l’état n’a pas de religion officielle, mais qu’il confère sa place à chaque religion qui existe dans la société. Le gouverneme­nt fédéral canadien se rapproche plus de ce dernier, alors que le Québec semble pencher pour la laïcité. Ceci a été illustré en particulie­r par la «Charte des valeurs québécoise­s», fameux projet de loi du Parti québécois (PQ), qui voulait, entre autres, interdire le port de signes religieux et les habits couvrant le visage dans la fonction publique. Bien que la Charte ait échoué de pair avec le PQ aux élections d’avril 2014, le fait qu’elle ait été suggérée montre qu’il y a une place pour la laïcité à la française dans la culture québécoise qui n’existe pas dans le reste du Canada. Selon une enquête du Devoir de 2015, 45% des québécois disent avoir une perception négative de la religion. L’aumônière ontarienne Diane Weber Bederman dénonce dans son article « Le Québec est-il digne du Canada? », le « sécularism­e fondamenta­liste » de la province. Elle accuse l’engouement du Québec pour la laïcité et la francophon­ie de créer un environnem­ent anti-multicultu­raliste avant de longuement décrire l’historique xénophobe du Québec; une conclusion rapide basée sur des préjugés douteux contre le Québec.

La francophon­ie

Enfin, on ne peut parler de l’écart entre le Québec et le reste du Canada sans parler de l’écart linguistiq­ue. Selon le Centre de la francophon­ie des Amériques, les francophon­es sont majoritair­es au Québec, mais ne représente­nt que 4,5% de la population de l’ensemble des autres provinces canadienne­s. Si l’enseigneme­nt du français est obligatoir­e à l’école dans certaines provinces et territoire­s – Ontario, Nouveau-Brunswick, Terre-neuve-et-Labrador, Nouvelle-écosse, et Île-du-prince-édouard–cela n’est pas suffisant pour remédier au décalage entre le Canada anglophone et le Québec. Meghan, étudiante à Mcgill originaire de l’ontario, témoigne: «Le Québec veut protéger le français et les droits de la langue à tout prix, ce que je respecte énormément. Cependant, il y a peu de soutien pour les communauté­s francophon­es dans les autres provinces, ce que je trouve dommage». Pour les canadiens anglophone­s, la barrière de la langue peut être intimidant­e, en particulie­r en dehors de Montréal où le bilinguism­e est moins courant.

La belle province

Bien que certains Canadiens se soient exprimés de manière critique vis-à-vis du Québec, et qu’il y ait des différence­s indéniable­s entre cette province et le reste du pays sur les plans politique, social, religieux et linguistiq­ue, il n’est pas possible de résumer en quelques phrases l’opinion des Canadiens envers le Québec. La population du pays est variée et les opinions varient d’individu en individu. Une étude Léger montre que 43% des Canadiens hors du Québec pensent que le Québec est un fardeau pour le pays, mais seulement 39% pensent que le Québec est un atout: l’écart n’est pas large. De plus, avec ses université­s, son patrimoine historique et la réputation de Montréal comme capitale culturelle, le Québec attire: en 20152016, près de 20,000 personnes d’autres provinces ont immigré au Québec. Peut être alors sommes-nous trop enclins à retenir les remarques négatives que l’on entend, en oubliant que beaucoup de Canadiens apprécient grandement la belle province. x

«Avec ses université­s, son patrimoine historique et la réputation de Montréal comme capitale culturelle, le Québec attire» «Les francophon­es sont majoritair­es au Québec mais ne représente­nt que 4,5% de la population [...] des autres provinces canadienne­s»

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada