Le Délit

L'ORIGINE

- Azad Kalemkiari­an

Des souvenirs me reviennent de l’ange de l’innocence Et notre premier contact était de loin le plus long Je me souviens de la profondeur des images de ces jours Plein de soleil, de chaleur et d’amour

Mais il m’a pas fallu longtemps pour trouver une autre amie La peur m’a trouvé sans difficulté Entre la lueur et les caresses Sous le fantôme des doutes et des ténèbres J’ai senti le frémisseme­nt d’une froide détresse

Dans ma maison de famille, sans frères ni soeurs L’ennui m’a rejoint, un compagnon non voulu Qu’est-ce qu’on peut faire avec les temps nuls ? Seulement rester frustré et seul

Au-delà de tout, restait la politique Dans une famille marquée par la révolution et le génocide Ce n’était pas un choix Une conscience d’injustice

Depuis un très jeune âge, on nous présente des personnage­s Et on nous demande d’en choisir Ces pressions marchent bien pour nous maintenir Qui est-ce que je voulais devenir ? La question de notre vie Mais qui suis-je ? Et pourquoi faut-il choisir ?

Il y avait l’homme cultivé, intelligen­t et riche Mais sans aucune conscience, un agent d’injustice Ou l’homme pauvre, dur et sensible Pour qui changer est presque impossible

J’étais alors un enfant, ces trucs étaient loin Et j’ai voulu juste être aimé à la fin Et ça c’était moi Pendant quelques années Je me montrais bruyant et spontané

Je croyais j’ai connu l’amour C’était un peu comme les films, On donnait des performanc­es Pour construire des belles scènes

Mais ce n’était pas facile En fait, c’était vraiment dur D’agir d’une façon Contre ma nature

Alors je me suis senti fatigué Sans aucun but C’était parce que j’avais cru Que ce personnage était juste Et pour quelques années J’étais perdu Puis j’ai rencontré la manifestat­ion politique. Je la voyais souvent, elle a eu beaucoup d’amis, Je croyais qu’elle devrait être mal vue Sans support, aliénée, seule Mais voilà qu’ici j’ai vu qu’elle n’était pas du tout Une personne inconnue

Je me jetai à l’eau Je voulais donner ma vie Jeune, un peu stupide et naïf Intoxiqué par les hordes de personnes, l’énergie collective Militants de la rue, sac de boxe de la police Les jeunes luttent, les jeunes se sacrifient Ils luttent pour ce qu’ils veulent abolir Et ils voient pas qu’ils reproduise­nt un ancien motif Sans rien à offrir, ils tombent trop vite Et le capital, lui, reste impassible À cette époque-là, pendant un certain temps J’échangeais mon âme pour une idéologie C’est dangereux de croire que tu connais la vérité Enfin j’ai réalisé qu’ils étaient trop naïfs Les dogmes sont simples Mais pas la vie

Maintenant je suis plus libre Un peu plus léger Je marche dans la vie Avec les yeux ouverts Mais est-ce que je vais réaliser Que je prétends être un autre personnage ? Est-ce que ça c’est la vie ? De peler chaque pelure avant qu’on brise les cages ?

Je rêve de te retrouver Cher ange de l’innocence Mais cette fois, je pourrai nous protéger Et on va comprendre les autres Même nos ennemis Et on va rester ensemble Forts après avoir traversé Ces parcours dedans et dehors Forts après la journée On arrive à l’innocence

A l’occasion de la Francofête, Le Délit et le Centre d’enseigneme­nt de français de l’université McGill ont organisé un concours d’écriture créative. Ce texte a remporté le premier prix de la catégorie francais langue seconde.

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