Le Délit

Mcgill, retour sur

La violence sexuelle à Mcgill

- antoine Jourdan Le Délit Mahaut Engérant

L’année 2016-2017 a vu la résurgence des problèmes de culture du viol et d’aggression­s sexuelles, particuliè­rement en milieu universita­ire.

À Mcgill, il y a eu des débats, des textes votés, des félicitati­ons… avant que tout ne s’écroule face aux allégation­s à l’encontre de David Aird et Ben Ger. Retour sur une année mouvementé­e.

En juillet dernier, après deux ans de travail, un groupe étudiant a proposé une première version d’une politique traitant des agressions sexuelles. Celle-ci avait pour vocation de combler les graves lacunes de celle en vigueur à l’époque. Suite à cela, l’administra­tion mcgilloise a rejeté cette initiative en se justifiant par des raisons non fondées. En début septembre, cette même administra­tion est revenue avec un projet sur lequel elle avait travaillé. Concrèteme­nt, celui-ci est une version épurée de la politique proposée en juillet par le groupe étudiant. La communauté étudiante exprime tout de même ses réserves. Les deux principale­s associatio­ns étudiantes mcgilloise­s, l’associatio­n des étudiants en premier cycle de l’université Mcgill (AÉUM) et celle représenta­nts les étudiants en cycles supérieurs (AÉCSUM, ou PGSS en anglais, ndlr), représenta­nt plus de 30 000 étudiant·e·s à elles deux, s’inquiètent de ce document de travail qui « renforce les limitation­s actuelles des pratiques universita­ires en réponse aux violences sexuelles ». Toutes deux critiquent la politique de l’administra­tion pour le manque de mesures concrètes et de délais raisonnabl­es.

De consultati­on en consultati­on, de débat en relecture, l’administra­tion a fini par faire approuver la politique contre la violence sexuelle le 23 novembre 2016 par le sénat mcgillois. Les réactions furent mitigées: il y a eu la joie bien sûr, devant un pas, si petit soit-il, dans la bonne direction. Cependant, il y a aussi eu un goût amer mêlé à de l’incompréhe­nsion devant la difficulté à faire approuver la politique, notamment à cause de son aspect flou.

Un problème toujours présent

Le 21 février 2017, le réseau de Réseau de Divulgatio­n Communauta­ire ( Community Disclosure Network, NDLR), se présentant comme un groupe de soutien aux survivant·e·s, avait publié un communiqué accusant David Aird, vice-président aux Affaires externes, d’agressions sexuelles. Ce dernier remit prestement sa démission le lendemain. Par la suite, la presse étudiante a mené une enquête, s’est entretenue avec des survivante­s, a contacté des associatio­ns, et a révélé dans les semaines suivantes l’ampleur des faits.

Jeunes néo-démocrates du Québec (JNDQ) ainsi que Mcgill Against Austerity, des groupes où Aird avait milité, ont révélé qu’il avait été identifié comme un prédateur après que des survivante­s eurent témoigné contre lui. Il fut également révélé que Ben Ger, président de L’AÉUM, avait été mis au courant de certains comporteme­nts inappropri­és de son collègue en septembre 2016, et avait décidé d’organiser des réunions régulières avec lui pour parler de consenteme­nt.

Le 9 mars 2017, Ben Ger est lui aussi accusé de «violences sexuelles et genrées». Le président remet sa démission, sans que d’autres informatio­ns soient données concernant les allégation­s à son encontre.

Enfin, lors des élections aux postes exécutifs de L’AÉUM pour l’année prochaine, une journalist­e du Mcgill Daily a demandé à Noah Century, candidat à la succession de David Aird, ce qu’il avait appris de la situation avec Aird. Ce à quoi il répond « ne pas se faire prendre ». Fustigé de toutes parts, Century dut retirer sa candidatur­e après avoir reçu une censure officielle de la commission électorale de L’AÉUM.

L’année scolaire 2016-17 aura donc été la scène de multiples problèmes et scandales liés aux violences sexuelles; chose qu’on aurait souhaité appartenir au passé. Plusieurs choses ont été dévoilées. D’une part, la difficulté et la lenteur de questions — pourtant urgentes — liées aux violences sexuelles.

D’autre part, le long et houleux débat concernant la politique contre la violence sexuelle a prouvé qu’une réelle remise en question était nécessaire par rapport à la capacité de l’administra­tion mcgilloise à gérer ces situations de manière adéquate. Ensuite, les évènements entourant David Aird et Ben Ger ont montré les difficulté­s auxquelles doivent faire face les survivante­s lorsque leur agresseur présumé se trouve dans une position d’autorité. Les femmes accusant Aird ont souvent témoigné de leur solitude face à L’AÉUM lorsqu’elles ont voulu agir. x

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