Sara Tilley et la transgression des âmes charnières
LE ROMAN ÉCORCHÉE, DE LA TERRE-NEUVIENNE SARA TILLEY, AURA ÉTÉ LE FORMIDABLE REPRÉSENTANT DU CANADA ATLANTIQUE AU COMBAT DES LIVRES DE RADIO-CANADA EN 2018, DÉFENDU PAR NUL AUTRE QU’ANTONINE MAILLET.
Comment dès lors écrire au sujet de cette traduction française par Annie Pronovost de Skin Room, ce roman de cette écrivaine née en 1978, sans paraphraser l’avis de Maillet, prix Goncourt 1979 pour son roman Pélagie-la-Charette, vendu à un million d’exemplaires, et auteure de la pièce de théâtre La Sagouine ? « Ce livre traite avec une extraordinaire justesse et une merveilleuse poésie, le moment où chacun vit sa première tragédie qui conduit presque à désirer la mort. Mais l’héroïne va avoir une force supérieure à cette tragédie : elle va transgresser les transgressions. »
Teresa est blanche, et vit à 12 ans son premier amour avec un Inuit de 17 ans dans le petit village de Sanikiluaq, aujourd’hui au Nunavut. À 23 ans, elle vit à nouveau l’amour avec une femme évoluant dans la scène underground de St. John’s.
Avec une écriture qui joue en permanence avec les aller-retour entre ces deux âges charnières, Sara Tilley a réussi à créer un personnage qui nous ressemble tous et nous fait vivre des actes d’union et de séparation où la souffrance est incommensurable.
Par des scènes rapides et concises, Écorchée traite aussi bien du consentement que de la transgression : « il y a de la crudité », concède Antonine Maillet, « mais c’est encore mieux que ça : il y a de la poésie. Et de faire d’une expérience autobiographique quelque chose d’universel, c’est extraordinaire. » C’est effectivement révélateur d’un grand roman.