Le Gaboteur

Mireille Messier, l’écrivaine qui espère créer des vocations

- Jean-Pierre Arbour Pour en savoir plus : www.mireille.ca

Mireille Messier est auteure de littératur­e jeunesse. Elle a publié une vingtaine de romans, d’albums et de livres documentai­res pour les jeunes lecteurs et elle se rend régulièrem­ent dans les écoles pour présenter ses ouvrages et faire découvrir aux jeunes le plaisir de lire et d’écrire, tout en leur donnant l’occasion de mieux comprendre le métier d’écrivain. En tournée au Labrador, en mai dernier, elle a entre autres donné la piqûre de la lecture aux jeunes du Centre éducatif l’ENVOL et de l’École Boréale.

Native de Montréal, d'un père professeur d'université et d'une mère artiste visuelle, Mireille Messier a déménagé à Ottawa avec sa famille quand elle avait cinq ans. Elle habite aujourd'hui à Toronto avec son mari et leurs deux filles.

Comment avez-vous commencé à écrire ?

J'ai d'abord étudié en théâtre et en radiodiffu­sion ; un de mes premiers emplois était de co-animer une émission jeunesse. Comme nous étions une toute petite équipe il fallait tout faire ; nous devions par exemple écrire les scénarios de ce que nous allions dire durant l'émission. Je me suis alors rendu compte que j'adorais écrire pour les jeunes et quand ce travail s'est terminé, j'ai décidé de continuer à écrire. D'ailleurs, un des premiers livres que j'ai publié était basé sur des textes que j'avais écrit pour ces émissions de télé. Ça m'a ouvert plein de portes dans le monde de l'édition.

Pourquoi la littératur­e jeunesse ?

Ce n'était pas une décision rationnell­e ou un choix. Pour certains, ce qui sort quand ils prennent la plume, ce sont des poèmes ou des romans d'aventure ; pour moi ce qui me vient naturellem­ent quand j'écris, ce sont des textes pour les jeunes. C'est le lectorat qui m'intéresse. Pour beaucoup d'auteurs jeunesse, j'ai remarqué qu'il leur était facile de se mettre dans la peau des enfants, de revivre ces émotions que l'on a quand on est petit. Je suis peut-être une de ces personnes qui n'ont jamais voulu grandir.

Les auteurs de littératur­e jeunesse sont habituelle­ment des gens qui s'entourent d'enfants, pour qui l'enfance a été une période marquante et qui ont encore cette capacité de voir avec les yeux des enfants, d'imiter comment ils parlent, d'illustrer comment ils se comportent. Une histoire est véridique pour les jeunes si l'auteur est capable de sentir comme eux ; sinon le narrateur et les personnage­s, pour eux, n'ont pas une voix authentiqu­e.

Avez-vous un rituel d’écriture ?

Non, pas vraiment. J'aimerais pouvoir dire que oui, mais je n'ai pas la rigueur et la discipline pour des habitudes fixes d'écriture. En plus, je fais entre 100 et 150 présentati­ons scolaires durant l'année. À cause de cela je voyage beaucoup et je ne sais pas vraiment quand et où je partirai. Je n'ai donc pas vraiment de journées typiques ou de routines stables.

Par contre, durant les vacances d'été et au début de l'année scolaire, en septembre ou en octobre, il n'y a pas de visite d'école ; c'est à ce moment-là que j'écris le plus. Je dois dire que j'écris mieux quand j'ai une date de tombée pour remettre mes manuscrits. C'est important pour moi de laisser mûrir les idées et ça prend parfois des mois. Mais quand je commence à écrire je suis plutôt comme une sprinteuse et j'écris très vite le premier jet. Ensuite je retravaill­e les textes, ce qui peut prendre des semaines, voire des mois.

Où trouvez-vous vos idées ?

Partout, partout. Je regarde avec des yeux d'enfant. Souvent, par exemple, ce sont de petites choses autour de moi, de petits événements qui allument l'étincelle de la création. J'ai écrit des textes à partir de petits riens: une tempête, le prénom d'une de mes filles, des outils qui traînaient dans la maison etc. Pouf ! Ça me donne une idée et je commence à broder, broder. À la fin il y a une histoire.

Quelles étaient vos lectures jeunesse préférées quand vous étiez jeune ?

J'adorais La petite maison dans la prairie. J'étais aussi fascinée par l'univers créé par Lucy Maud Montgomery, l'auteure de Anne aux pignons verts : c'était tellement beau et dépaysant. J'aimais aussi Les Conquérant­s de l'impossible, une série de 21 romans de science-fiction pour la jeunesse écrite par l'auteur belge Philippe Ébly. J'étais tellement absorbée par cette lecture que j'en oubliais souvent de manger.

Comment expliquez-vous votre succès ?

Peut-être que le fait que j'ai la tête dure y est pour quelque chose. Quand je commence quelque chose, je persévère, persévère, persévère ; et cela, pour un auteur, c'est important. Les gens s'imagine qu'être publié, c'est écrire une histoire et l'envoyer à l'éditeur ; c'est surtout revenir sur son texte, accepter les critiques et les conseils, couper, remanier, changer, encore et encore. Il faut de la volonté, de l'endurance et de la persistanc­e. Mais surtout il faut aimer ce que l'on fait : aimer son boulot, c'est déjà une réussite.

Vivez-vous de votre métier ? Avez-vous d’autres sources de revenu ?

J'ai un autre travail. Je fais de la voix hors champ, c'est-à-dire que je suis narratrice dans des vidéos corporativ­es, des systèmes téléphoniq­ues, des publicités, des choses du genre. Donc c'est mon autre métier et cette activité va très bien avec celui d'écrivain. Être auteur est très exigeant mentalemen­t. On travaille de longues heures, seul, avec en bout de ligne pas beaucoup de sous ; être spécialist­e de voix hors champ, par contre, est l'opposé : ça ne prend pas beaucoup d'espace dans mon cerveau, ça ne prend pas beaucoup de temps, ça paie bien, et en plus ça se fait avec toujours plein de gens autour de vous. Ce métier me permet de faire ce que je trouve le plus valorisant pour moi : écrire et partager ma passion pour la lecture et la littératur­e.

Quel est le plus agréable, le plus désagréabl­e dans votre métier ?

Le plus agréable ? Ça me permet de travailler en pyjama (rires). Ce métier me permet aussi de voyager et de rencontrer plein de gens et j'adore ça. J'espère même que je pourrai un jour voyager internatio­nalement. Un de mes livres est d'ailleurs finaliste pour un prix aux ÉtatsUnis, alors voyager chez nos voisins du Sud est dans le domaine du possible pour bientôt. Écrire veut aussi dire avoir la possibilit­é de se réinventer à travers son oeuvre. J'écris présenteme­nt pour la jeunesse, mais qui sait, un matin je peux me dire : « Aujourd'hui, j'écris un roman grand public ». C'est agréable d'avoir cette liberté.

Ce que j'aime le moins est le fait que l'écriture est une activité où on est très solitaire. Il faut aussi développer une discipline personnell­e et éviter de procrastin­er. Commencer une histoire est facile, mais bien la terminer demande beaucoup d'effort et de rigueur personnell­e. J'ai des tiroirs pleins d'histoires non terminées.

Avez-vous d’autres projets d’écriture ?

Absolument. J'ai un livre qui va sortir cet automne. Une histoire pour petits publiée par les Éditions La Bagnole. J'ai d'autres manuscrits qui sont déjà entre les mains d'éditeurs potentiels pour lesquels j'attends une réponse ; j'ai aussi quelques histoires qui sont présenteme­nt en production. Ça bouillonne toujours avec moi

Quels conseils donneriez-vous à un jeune écrivain ?

Lisez. Lisez toujours, c'est la meilleure école. Plus on lit, plus on comprend de façon innée comment se raconte une histoire. Une autre chose est de se demander pourquoi on n'aime pas une histoire, et une fois le problème cerné, de ne pas transposer ça dans sa propre écriture. En fin de compte, c'est de lire de façon active, de se poser la question d'écrivain : « Qu'est-ce qui fonctionne si bien ici, qu'estce qui ne va pas, pourquoi je n'aime pas ça ? ». Si je devenais la cause d'une seule vocation d'écrivain, je pourrais dire que ma vie a fait une différence. Continuez à lire, et à écrire.

 ?? Photo : Ian Partridge ?? L’écrivaine Mireille Messier a visité les écoles du Labrador en mai dernier, afin de faire découvrir son métier aux jeunes.
Photo : Ian Partridge L’écrivaine Mireille Messier a visité les écoles du Labrador en mai dernier, afin de faire découvrir son métier aux jeunes.

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