L’isolement, une bénédiction
Même si les conditions climatiques de Terre-Neuve-etLabrador les mettent à rude épreuve en hiver, les abeilles de la province se portent mieux qu'ailleurs : elles semblent jusqu'à présent protégées de toute contamination par l'acarien varroa, qui crée d'énormes dégâts dans les ruches nord-américaines et européennes. En effet, les deux parties de la province profitent de l'isolement créé, pour TerreNeuve, par la mer, et pour le Labrador, par le 50e parallèle.
Bien au fait de cette particularité, le gouvernement a adopté dès 1980 une réglementation interdisant l'importation d'abeilles domestiques d'autres provinces et pays sans certification stricte d'un vétérinaire, afin d'assurer que le territoire demeure exempt de toute contamination accidentelle. La province joua donc un rôle de précurseur dans le domaine de la protection des ruches ; le reste du Canada lui emboîta le pas dans les années 1990. Ce mouvement de protection de l'écosystème local tend à s'ancrer de plus en plus dans les mentalités canadiennes et plus généralement au niveau mondial, alors que les apiculteurs se battent pour la survie de leurs ruches. En 2014, l'Ontario déclarait le triste record de 58% de pertes hivernales. Outre le parasite varroa, des facteurs comme la structure des habitats, le type de cultures, les systèmes de cultures hétérogènes ou homogènes, les microclimats, les concentrations d'agents pathogènes et l'exposition aux produits chimiques peuvent grandement influencer le taux de mortalité des insectes pollinisateurs comme l'abeille. Peu de preuves scientifiques permettent pour l'instant de mettre en avant une cause plutôt qu'une autre. Or, le déclin des abeilles ne manque pas d'inquiéter : on estime que plus d'un tiers de l'alimentation mondiale dépend de leur pollinisation des plantes à fleur.
Protection et défis
À Terre-Neuve-et-Labrador en revanche, les pertes se situent en dessous de 20%, d'après les évaluations réalisées par le gouvernement en 2015. Cela correspond à une mortalité standard dans le milieu.
Cependant, s'ils sont pour l'instant protégés du parasite varroa, les apiculteurs de la province font face à trois défis de taille. En raison de l'importation à bas prix de miels de Chine ou encore d'Argentine, de moindre qualité et peu contrôlés, certains apiculteurs n'arrivent plus à écouler leur miel et se retrouvent à vendre à perte. Parallèlement, l'augmentation de la demande de pollinisateurs provoque un accroissement du nombre de ruches de bourdons : ces derniers sont d'excellents pollinisateurs mais produisent très peu de miel. Enfin, sous la pression croissante, une autorisation d'importer des abeilles d'Australie a été délivrée en 2016 : après un passage en quarantaine, cellesci sont entrées dans la production apicole de la province.