Le Gaboteur

Histoire de pêche à Twillingat­e

- Jacinthe Tremblay Saint-Jean

En 2009, avant de passer à l'Est, j'ai séjourné pendant cinq semaines à Terre-Neuve afin de réaliser des reportages pour des médias québécois, dont Géo plein air. J'écrivais alors régulièrem­ent des billets sur mon blogue « Correspond­ances insulaires ». J'ai consacré l'un des quatre récits de mes aventures pendant le festival Fish Fun and Folk de Twillingat­e à ma pêche à la morue.

Vite, ils vont partir

Vers 8h30 samedi matin, Rowena a cogné à la porte de ma cabine pour me dire que Jody, Ketih et Jerry m'attendaien­t au quai pour aller à la pêche à la morue. «Vite, ils vont bientôt partir! », a-t-elle précisé fermement. J'ai attrapé un polar, une caméra et j'ai couru vers le quai de Crow Head, que j'avais visité aux aurores avec mon chien Saku.

Sur le quai, j'ai retrouvé Jody, Keith et Jerry qui m'attendaien­t… d'une certaine manière. Comme j'étais arrivée, plus rien ne pressait. Il y avait mieux à faire pour Jody, comme mettre en filet des morues qui venaient d'arriver à quai, et en extraire les précieuses langues. Comme rien ne pressait pour moi non plus, et que j'avais l'assurance d'aller à la pêche à la morue, j'en ai profité pour expériment­er l'appareil photo prêté par Luce, ma fille, maintenant équipée d'une Canon Mark II.

À ce moment-ci de l'histoire, une précision sur la nature de la pêche récréative à la morue pratiquée à Terre-Neuve s'impose. CETTE pêche à la morue n'a rien à voir avec l'industrie des pêches aujourd'hui pratiqueme­nt disparue à Terre-Neuve, pour cause d'effondreme­nt des stocks, de moratoire et – plusieurs Terre-Neuviens l'affirment haut et fort – parce que les phoques qui sont maintenant mieux protégés que tous les enfants de la terre (grâce à des stars comme Brigitte Bardot et Paul McCartney), que les phoques, donc, mangent à satiété ce qui pourrait être le début d'une relance d'une industrie de la pêche à la morue.

CETTE pêche à la morue est donc une pêche alimentair­e. Un peu comme la pêche aux homards est permise aux Autochtone­s, les Terre-Neuviens ont le droit de pêcher la morue pendant trois semaines. Sans permis mais non sans limite. Cinq par pêcheur par jour et/ou 15 par embarcatio­n. Jody, Keith, Jerry et moi allions donc partir en mer pour en revenir avec 15 morues – pas plus.

Nous sommes donc partis en mer avec Jody comme capitaine. Jerry lui indiquait les spots où arrêter son bateau. Keith observait la scène avec l'oeil d'un connaisseu­r de spots. Et moi, j'observais Jerry guider Jody vers des spots avec une certaine incrédulit­é. Or, Jerry connaissai­t vraiment les spots. Quand Jerry a dit à Jody d'arrêter son bateau HERE et que Jody a écouté son frérot, il y avait de la morue. Il y avait du FISH. Des FISH. Car une morue ne vient jamais seule, comme le veut l'expression un banc de morues. Une morue, ça vit en gang! Et c'est nono pas à peu près.

Le p’tit coup

La méthode de prise est simple. Il faut laisser dérouler un gros fil (de pêche, il va sans dire) ayant au bout un hameçon jusqu'à ce qu'on sente le fond. Comment? Si on ramène le fil trois tours vers soi et qu'après l'avoir laissé dérouler, il ne va pas plus loin, on a atteint le fond. Ensuite, on ramène un peu le fil vers soi et on relâche. Et on recommence. Et pendant ce va et vient, on surveille le p'tit coup. Celui que provoque la morue sur le fil quand elle mord. C'est là que ça peut devenir compliqué pour les néophytes. Je n'en suis pas. J'ai pêché la truite de rivière, de lac, la barbotte, le crapet soleil, le brochet et même l'esturgeon. Un p'tit coup produit un énorme changement dans la tension du fil. Pour qui sait reconnaîtr­e le p'tit coup. Ça ne s'explique pas le p'tit coup. Ça se sent. Et ça s'apprend par l'expérience. Après le p'tit coup, c'est assez simple. On ramène le fil sans s'arrêter vers le bateau et à un moment donné, on voit apparaître une morue.

J'en ai pris trois. Je voulais les prendre en photo mais la carte de la caméra était pleine. Juré : j'en ai pris trois, dont une pas mal grosse pour une morue des eaux intérieure­s. Environ 8 livres, m'a dit Jody. C'est Jerry qui a pris la plus grosse. 12 livres, selon Jody. Quand on est revenus au quai, un homme qui examinait les prises a remarqué la morue de 12 livres. « Belle morue », a-t-il dit.

Keith m'a alors montrée du doigt à cette homme et lui a dit : «C'est elle qui l'a attrapée ». Keith s'est alors tourné vers moi, m'a fait un clin d'oeil et m'a dit : « C'est bien toi qui l'a attrapée cette morue-là, n'est-ce pas? ». Je lui ai dit : « Certaineme­nt! », idée de conclure dans le FUN notre expédition de FISH.

 ?? Photo : Jacinthe Tremblay ?? Saku, mon compagnon de reportage à l'été 2009, a eu énormément de FUN à chercher des crustacés sur la place de Crow Head, près de Twillingat­e.
Photo : Jacinthe Tremblay Saku, mon compagnon de reportage à l'été 2009, a eu énormément de FUN à chercher des crustacés sur la place de Crow Head, près de Twillingat­e.

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