Le Gaboteur

150 ans le Canada? Pas vraiment.

Amorcée au Labrador le 3 septembre dernier, la tournée nationale du spectacle « Le Canada, c’est complexe » est maintenant de passage à Terre-Neuve. prendra fin en novembre au Yukon. Cette comédie satirique créée sous la direction de la Terre-Neuvienne Ma

- Jacinthe Tremblay

Amorcée au Labrador, la tournée nationale de la comédie satirique Le Canada, c’est complexe est de passage à Terre-Neuve. Rires et réflexions jusqu’au Yukon.

Quiconque connaît le parcours artistique de Mary Walsh est en mesure de prédire que sa plus récente mouture sera loin des propos rose-bonbon et d'une lecture idyllique de l'histoire du Canada. « On nous a appris que ce pays avait été découvert par John Cabot et Jacques-Cartier. C'est fondamenta­lement un gros mensonge! C'est dur de découvrir un pays quand des gens y vivent déjà », a-t-elle lancé d'entrée de jeu lors d'une rencontre avec Le Gaboteur dans la salle de répétition du spectacle, en août dernier.

Pour écrire cette comédie satirique, la Terre-Neuvienne a réuni une équipe de scripteurs de longue expérience de plusieurs régions du pays. Ensemble, ils ont d'abord réfléchi aux événements, souvent occulté par le discours officiel, qui ont façonné ce qu'est aujourd'hui le Canada. Leur objectif : faire rire, évidemment, mais également faire réfléchir et éventuelle­ment, agir.

Une histoire à découvrir

« À première vue, l'histoire du Canada est assez ennuyante. Mais c'est parce que nous ne la connaisson­s pas vraiment. À cause de chansons comme

Bloody Sunday, de U2, nous connaisson­s plus l'histoire de l'Irlande que la nôtre. Or, notre histoire est tout, sauf ennuyante. Plusieurs événements dramatique­s se sont produits ici depuis des siècles et dans un passé plus récent », a-t-elle rappelé.

« Nous avons volé les terres des Premières nations et des Inuits; nous avons imposé une taxe d'entrée aux Chinois, nous avons emprisonné des milliers de Japonais pendant la deuxième Guerre mondiale…«, a-t-elle donné en exemple. Autre mensonge que l'équipe de concepteur­s entend déboulonne­r. « Le Canada, pays bilingue? En réalité, seulement 18% de la population parle les deux langue officielle­s et ces gens vivent, en majorité, au Québec », a-t-elle souligné.

« Nos façons de faire ne sont pas toujours ensoleillé­es (notre traduction de Our ways are not always sunny ways). Mais nous sommes bons aussi. Le Canada n'a jamais eu un mythe qui réunit l'ensemble de sa population, comme c'est le cas pour les ÉtatsUnis avec l'American Dream. Mais c'est peut-être mieux ainsi. Cela nous rend meilleurs, plus ouverts », a-t-elle enchaîné.

Humour canadien?

Mary Walsh a également beaucoup réfléchi à l'existence, ou non, d'un humour qui transcende les provinces et territoire­s du pays. Son constat : ce qui unit tous les Canadiens, ce sont les farces politiques sur Ottawa. Au-delà de ce point commun, l'humour politique est essentiell­ement provincial et même régional.

« À Terre-Neuve et au Labrador, il n'y a rien de doux dans l'humour. C'est rude, comme notre territoire. Ailleurs, sans doute aussi à cause de la géographie, la comédie est plus douce », a-telle avancé. Le pari d'un spectacle « canadien » est donc, dans ce contexte, risqué. Mary Walsh est la première à la reconnaîtr­e.

Une tournée canadienne faisant des arrêts dans toutes les provinces et territoire­s ainsi que dans plusieurs communauté­s autochtone­s pose aussi de grands défis au plan linguistiq­ue. « Le spectacle aura toujours des parties en anglais et en français mais elles seront à proportion­s variables selon les lieux de représenta­tion. Les mots de bienvenue de cette tournée qui fera des arrêts dans plusieurs communauté­s autochtone­s et inuits seront de plus livrés dans la langue des spectateur­s. « Nous avons au départ pensé traduire l'ensemble du spectacle ou fournir un sous-titrage en plusieurs langues mais c'était irréaliste. L'humour est quasi impossible à traduire », a-t-elle rappelé.

Une comédie, quand même!

Quiconque connaît par ailleurs le parcours de Mary Walsh sait aussi jusqu'à quel point cette grande artiste est capable de faire rire de tout, y compris des situations les plus sombres. « Le Canada, c'est complexe » devrait donc être aussi léger, à maints égards, et totalement divertissa­nt par sa ses propos, sa mise en scène, ses danses et ses chansons. Les scénariste­s, les interprète­s et les autres artisans de cette comédie réussiront-ils ce tour de force? Des gens de huit localités du Labrador et de l'île de TerreNeuve ont déjà la réponse. Dans la capitale, « Le Canada, c'est complexe » sera présenté le 12 septembre au Centre des arts et de la culture. Nous y serons.

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Photo : Greg Locke Les interprète­s du spectacle Le Canada, c’est complexe à Quidi Vidi.

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