Le Gaboteur

Des rentrées scolaires mouvementé­es

Ces jours-ci, espoir et inquiétude entourent l’ouverture d’une deuxième école francophon­e à Saint-Jean. Mais de telles émotions ont marqué de nombreuses autres rentrées au cours des années.

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LE BOYCOTT DE L’ÉCOLE DE LA GRAND’TERRE EN 1984

Traditionn­ellement, le système scolaire à Terre-Neuve a servi d'important outil pour l'assimilati­on des francophon­es. L'anglais demeure longtemps la seule langue d'instructio­n. Et on utilise des punitions pour décourager les élèves francophon­es de s'exprimer dans leur langue maternelle.

C'est seulement au milieu des années 1970 que les choses commencent à changer. Ainsi, l'école de Cap–Saint-Georges, sur la péninsule de Port-au-Port, offre le premier programme d'immersion à Terre-Neuve en 1975. (Le premier programme d'immersion française au Canada est offert à St-Lambert, au Québec, en 1965.)

À La Grand'Terre, l'enseigneme­nt du français dans les écoles débutera beaucoup plus tard, à la suite d'une bataille épique des parents dans les années 1980.

Le boycott de 1984

Dans le tout premier numéro du Gaboteur, publié le 5 octobre 1984, un article de Géraldine Barter décrit un boycott de l'école du village. «La commission scolaire de Port-auPort refuse aux francophon­es de La Grand'Terre de bénéficier de leurs droits d'obtenir une école française,» explique la journalist­e.

Contrairem­ent aux ententes de principe conclues entre les parents et la commission, seulement un tiers des cours seraient offerts en français à l'école primaire lors de la rentrée 1984. Or, on s'attendait à un programme d'études offert entièremen­t en français, dans le cadre d'un programme d'immersion, ce qui ouvrirait la voie à l'ouverture d'une « école française proprement dite» en septembre 1985.

«La réaction des parents a été immédiate : ils gardaient leurs enfants à la maison jusqu'à ce que cette confusion soit dissipée. » On entame également des procédures judiciaire­s.

À court terme, les choses semblent aller dans la bonne direction. La ministre de l'Éducation, Lynn Verge, reconnaît publiqueme­nt le droit constituti­onnel des francophon­es à une école de langue française. Et un comité est créé pour tenter de régler la question. Il est présidé par Robert Cormier, alors président de la Fédération des francophon­es de Terre-Neuve et du Labrador (FFTNL).

Dans le numéro suivant du journal, publié le 7 novembre, on apprend que les parents ont avaient recommencé à envoyer leurs enfants à l'école, ayant compris qu'un programme où toutes les matières seraient enseignées en français était déjà en place. Ils avaient mis fin au boycott par volonté de «ne pas brusquer le professeur» et d'éviter tout retard dans sa mise en oeuvre.

La réalité est toutefois bien différente des promesses : seulement un tiers du programme sera enseigné en français. Et si la ministre de l'Éducation continue d'appuyer les revendicat­ions des parents de La Grand'Terre, elle hésite à s'ingérer dans les affaires de la commission scolaire.

« Les parents de La Grand'Terre, fatigués des caprices la commission scolaire, veulent voir des résultats. … [Ils] se sentent mal parce qu'ils voient que les négociatio­ns continuent à reculer au lieu d'avancer», explique Géraldine Barter dans Le Gaboteur.

Vers la fin de l'automne, les parents apprennent que la commission scolaire interdit à l'enseignant­e de la maternelle d'offrir un programme d'immersion qu'elle a toutefois dans les mains. On parle de renouveler le boycott.

Puis, en début 1985, on annonce une petite victoire : la commission scolaire annonce la mise en oeuvre du nouveau programme français dès le mois de janvier. On note également que les parents «continuero­nt toutefois d'être vigilants afin de s'assurer de la pleine obtention de ce qu'ils veulent : une école française en permanence à La Grand'Terre. »

Vers une école francophon­e

Les parents, qui font leur mieux pour maintenir la pression sur la commission scolaire et le gouverneme­nt, doivent encore attendre quelques années avant que leur vision se concrétise.

Mais la rentrée 1985 est quand même plus encouragea­nte que celle de l'année précédente. C'est lors de l'assemblée annuelle de la FFTNL que le ministre de l'Éducation, Loyola Hearn, annonce la constructi­on d'une école française à La Grand'Terre. On prévoit qu'elle sera prête pour accueillir des élèves dès la rentrée 1987.

En réalité, la constructi­on commence seulement en printemps 1988. Et la « première école française pour la province » n'accueille ses premiers élèves qu'en hiver 1989.

Par ailleurs, Le Gaboteur du 15 mai 1987 annonce la signature d'un accord fédéral-provincial pour la constructi­on d'un «centre communauta­ire et scolaire.» Puis le numéro du 5 juin parle longuement d'une cérémonie de première pelletée de terre qui aura lieu le 31 mai. Cette célébratio­n se tiendra dans le cadre de l'inaugurati­on du drapeau franco-terre-neuvien-et-labradorie­n, prévue pour la veille.

Ainsi, après des années de revendicat­ions et presque trois ans après le boycott de 1984, les parents de La Grand'Terre peuvent fêter une grande victoire, entourés de gens venus de partout dans la province pour accueillir un nouveau symbole de la francophon­ie provincial­e.

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La cérémonie de première pelletée de terre sur le site du futur Centre scolaire et communauta­ire Sainte-Anne, à La Grand’Terre. La cérémonie a eu lieu le 31 mai 1984.

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