Le Gaboteur

Le canabis et les jeunes

Depuis le dépôt du projet de loi canadien sur la légalisati­on du cannabis à usage récréatif, de nombreux parents s’inquiètent des impacts sur la santé de leurs enfants. Des informatio­ns contradict­oires sur la toxicité du cannabis contribuen­t aussi à des p

- Eve Beaudin

Les mineurs, les plus grands consommate­urs de cannabis ?

FAUX

Le cannabis est sans contredit la drogue illicite la plus populaire chez les jeunes Canadiens. Au pays, son taux d'usage chez les adolescent­s compte parmi les plus élevés au sein des pays développés, selon le Centre de recherche de l'UNICEF, soit 28 % (contre 5 % en Norvège, le pays où le taux est le plus bas).

Cependant, ce ne sont pas les adolescent­s qui en sont les plus grands consommate­urs, mais plutôt les jeunes adultes. En effet, l'Enquête canadienne sur le tabac, l'alcool et les drogues 2015 révèle que les 20 à 24 ans représente­nt le groupe où l'on retrouve la plus grande proportion de consommate­urs ayant fumé au cours des 12 derniers mois, soit près de 30 %, alors que cette proportion est de 21 % chez les jeunes âgés de 15 à 19 ans. L'âge médian pour commencer à consommer du cannabis est 17 ans, tant chez les jeunes filles que chez les jeunes hommes. Cela signifie que 50 % d'entre eux ont commencé à consommer du cannabis avant 17 ans et l'autre moitié après.

Le cerveau des jeunes, plus fragile que celui des adultes ?

VRAI

Le cerveau des jeunes est particuliè­rement vulnérable aux effets négatifs du cannabis, car c'est au cours de cette période — de l'adolescenc­e jusqu'à la mi-vingtaine — qu'il connaît un développem­ent rapide et soutenu. Cette période de maturation est considérée comme cruciale, puisqu'elle a le potentiel de jalonner leur éventuelle réussite ou, à l'inverse, l'apparition des difficulté­s qu'ils connaîtron­t en tant qu'adultes.

« Le cannabis agit sur notre cerveau par le biais de récepteurs chimiques situés dans des zones associées à l'apprentiss­age, l'acquisitio­n d'habitudes, la motivation, la prise de décision, la recherche de récompense­s, et les fonctions motrices. Puisque la structure du cerveau change rapidement pendant l'adolescenc­e, les chercheurs croient que la consommati­on de cannabis durant cette période influence l'évolution de ces différents aspects de la personnali­té, ainsi que le développem­ent de troubles liés à l'usage », explique Didier Jutras-Aswad, psychiatre et directeur de l'Unité de Psychiatri­e des Toxicomani­es du CHUM.

« Il faut aussi souligner que les effets négatifs de la consommati­on de cannabis à l'adolescenc­e varient d'une personne à l'autre, souligne le Dr Jutras-Aswad. De plus, ce ne sont pas tous les jeunes qui sont à risque de développer une dépendance. Certains jeunes sont plus susceptibl­es de développer ce trouble pour des raisons diverses, allant de la génétique au type de personnali­té. »

Les jeunes, plus à risque de développer une dépendance ?

VRAI

En dépit du fait que le cannabis est perçu comme inoffensif, il est possible de développer un « trouble lié à son usage pouvant aller jusqu'à la dépendance, notamment chez les jeunes qui y sont particuliè­rement vulnérable­s, estime l'Académie nationale des sciences. Dans un document qui fait l'examen complet des preuves scientifiq­ues liées aux effets du cannabis sur la santé, on peut lire que chez ceux qui ont commencé à en consommer à l'adolescenc­e, une personne sur six développer­a un « trouble lié à l'usage » de cannabis, soit 17 % : un risque presque deux fois plus élevé que pour la population générale.

« Même si nous ne connaisson­s pas encore tous les effets à long terme de la consommati­on du cannabis, les connaissan­ces actuelles mènent à penser que la consommati­on de cette drogue est lourde de conséquenc­es sur les comporteme­nts de dépendance à l'âge adulte.» avance le Dr Didier Jutras-Aswad.

Les jeunes, tous à risque de développer une dépendance ?

FAUX

Les études scientifiq­ues ont permis d'établir que les gènes pourraient influencer la façon dont une personne réagit suite à sa première exposition au cannabis. « Cependant, on ne sait pas encore quels sont les gènes qui font en sorte que certains sont plus vulnérable­s à la dépendance, explique le Dr Jutras-Aswad. Leur influence reste à préciser. » Des facteurs psychosoci­aux contribuen­t aussi au risque de dépendance au cannabis : initiation à un très jeune âge (avant environ 15 ans), grandir dans un milieu où la consommati­on est banalisée, faible statut socioécono­mique, comporteme­nt antisocial, propension à la prise de risque, exposition à des événements négatifs (stress, trauma). La consommati­on de cannabis peut déclencher des psychoses chez les jeunes ? VRAI

D'après le Centre canadien de lutte contre les toxicomani­es, il serait bien établi que l'usage du cannabis peut être associé à des symptômes psychotiqu­es et à l'apparition de la schizophré­nie, surtout chez ceux qui ont des antécédent­s personnels ou familiaux de troubles psychotiqu­es. Cependant, on ignore encore si c'est l'usage de drogue qui peut déclencher la psychose et la schizophré­nie, ou si ce sont ces maladies qui poussent les personnes qui en sont atteintes à la consommati­on de cannabis.

Les liens entre l'usage de cannabis et d'autres maladies mentales, en particulie­r l'anxiété et la dépression, sont moins clairs. C'est pourquoi des études supplément­aires sont nécessaire­s pour mieux comprendre les interactio­ns entre la consommati­on de cannabis et la maladie mentale chez les jeunes.

Même si on n'a pas encore établi clairement la nature du lien entre la maladie mentale et la consommati­on de cannabis, l'Associatio­n des psychiatre­s du Canada est d'avis qu'il faudra faire preuve de prudence en ce qui concerne l'accès au cannabis pour les jeunes de moins de 25 ans, une fois qu'il sera légalisé.

Le cannabis, une drogue de passage vers des drogues plus dures ?

FAUX

Certaines études suggèrent que la consommati­on de cannabis pourrait précéder la consommati­on d'autres substances illicites, ainsi que le développem­ent d'autres dépendance­s, comme l'alcool et la cigarette. Cependant, une revue de la littératur­e scientifiq­ue à ce sujet, effectuée par le Centre canadien de luttes contre les toxicomani­es, souligne que de très nombreux facteurs influencen­t la trajectoir­e de consommati­on d'un jeune adulte. C'est pourquoi on ne peut voir la consommati­on du cannabis comme une porte d'entrée qui mène systématiq­uement à la consommati­on de drogues « plus dures », conclut par le rapport. De plus, des études ont démontré que la majorité des jeunes qui consomment de la marijuana ne consommero­nt pas d'autres drogues illicites, par la suite.

La légalisati­on fera exploser la consommati­on de cannabis chez les jeunes ?

PLUTÔT FAUX

Plusieurs craignent que la légalisati­on du cannabis fasse grimper sa consommati­on chez les jeunes, mais les expérience­s américaine­s, où les États de Washington et du Colorado ont légalisé cette substance à des fins récréative­s en 2012, sont plutôt rassurante­s.

En comparant les données disponible­s, la Direction de la santé publique de Montréal (DSPM) est arrivée au constat suivant : même si la consommati­on a légèrement augmenté chez les 18 à 25 ans suite à la légalisati­on, elle est demeurée stable chez les adolescent­s.

« Cela confirme ce que nous pensions : à savoir que les jeunes fument dans les mêmes proportion­s, que le cannabis soit légal ou pas, explique le Dr Robert Perreault, psychiatre et médecin-conseil en médecine préventive à la DSPM. On peut donc penser que la légalisati­on n'entraînera pas de hausse de consommati­on, au Canada. Mais attention, c'est le cadre législatif qui sera mis en place qui fera toute la différence ».

En effet, une légalisati­on sans encadremen­t, où la promotion du cannabis serait permise sans restrictio­n auprès des jeunes, pourrait mener à une augmentati­on de la consommati­on. « C'est pourquoi nous recommando­ns un cadre législatif serré, et la mise en place de nombreuses balises, pour éviter de faire augmenter la consommati­on chez les jeunes », explique le Dr Perreault. Pour ce faire, il faudra mettre en place plusieurs mesures, comme interdire la vente aux mineurs, le marketing du cannabis et la consommati­on de cette drogue en milieu scolaire, etc.

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Photo : Kolotype-Dreamstime.com

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